Ballade poétique: À l’Université de Kinshasa

0

À l’Université de Kinshasa, l’intellectualisme rencontre la médiocrité. Les illuminés font face aux éliminés…

À l’Université de Kinshasa, il a quitté son village de Kumbi pour la poursuite de ses études.

Ses parents lui envoient de l’argent pour les frais académiques, après la récolte et la vente des charbons de bois.

La déforestation et le mauvais état de route ont détruit leur commerce. Ils n’arrivent plus à envoyer subvenir aux besoins de leur rejeton, comme il se doit. Conséquence: il devient mendiant au Rond-point Ngaba pour avoir de quoi financer ses études à l’Université. Mendiant malgré lui.

À l’Université de Kinshasa, l’érosion menace les homes des étudiants et les différents bâtiments administratifs.

L’État reste impuissant face à ce fléau. Et parallèlement à cette menace, le Comité de gestion, esprit de lucre oblige, entreprend d’ajuster le taux de change des frais académiques à sa faveur : 1$ pour 900 FC, lors de la paie des professeurs et 1$ pour 210 FC lorsqu’il s’agit du paiement des frais d’études.

À l’Université de Kinshasa, les grèves s’étirent en longueur et touchent toutes les catégories socioprofessionnelles impliquées : grève des professeurs, grève du personnel administratif, grève des étudiants, grève des paiements de salaire…

Pour 5 ans d’études seulement, il a passé 8 années civiles à l’Université. Pourtant il n’a doublé aucune classe.

À l’Université de Kinshasa, tous les moyens sont bons pour obtenir des points et passer de promotion.
Des points sexuellement transmissibles à la corruption généralisée, en passant par la triche.

Ici, il faut toujours avoir quelque chose sous la main ou sous la jupe…Les cas de conscience doivent se remettre aux bontés de l’Éternel. La conscience est ici mise au service de l’intérêt particulier des enseignants.

À l’Université de Kinshasa, cette étudiante est sortie de sa maison à 05h00.

N’ayant pas de quoi payer son transport, elle doit parcourir à pieds 25 km, allant de Kimbanseke au campus.

Elle y arrive vers 10h00 abattue, fatiguée. L’amphitheâtre étant bondé et n’ayant pas trouvé de place, elle doit se contenter de suivre les cours débout et à l’extérieur, sans capter quoi que c’est soit, étant donné qu’il n’y a pas de sonorisation.

Penser à ce qu’elle pourra manger à la pause et comment rentrer à la maison font partie de ses angoisses quotidiennes.

L’auditoire prévue pour 300 étudiants en reçoit 1200, soit quatre fois plus. Quel surpeuplement!

À l’Université de Kinshasa, Professeur de son état, M. Vangu… a obtenu son diplôme à la Sorbonne, tri- docteur en sciences sociales, sciences politiques et en agronomie, il n’arrive même pas à louer un appartement à la hauteur de ses prestigieux diplômes.

Il doit, chaque matin, jouer de coudes pour se retrouver à bord d’un hypothétique bus Transco. Mêlé dans la marmaille des étudiants pour se rendre au campus et rentrer chez lui vers N’sele, dans la banlieue de la ville, constituent son lot quotidien.

Le véhicule qui lui a été remis à crédit, trône dans une fourrière pour manque d’assurance et des frais de contrôle technique.

D’un côté, le souci des ses enfants restés en Europe, à la suite de son divorce et de l’autre, la confiscation de ses biens donnés par la justice à son ex-épouse qui le ruine en pension alimentaire.

À cela s’ajoutent les affres de la conjoncture de la vie d’enseignants et les railleries des étudiants qui se moquent de ses vieux souliers rafistolées et relevées en poulaines. Sa chemise décoloree suite au port fréquent et ses cheveux hirsutes finissent de faire de lui un vrai dépassé par les évènements. Il a plusieurs fois frôlé l’AVC, mais il est encore là, comme le batteur du tam-tam de la Foire Internationale de Kinshasa.

À l’Université de Kinshasa, devenu ministre à la suite d’une trahison de son leader politique, M. M…vient enseigner à compte goutte. Toujours l’air pressé, prêt à sauter dans sa bagnole au premier appel du cabinet ou à la première perception d’une voix féminine
, à laquelle il répond toujours en souriant et sans gêne: ”Rappelez-moi, je suis occupé”.

Entouré de sa garde personnelle, il regarde tout le monde de haut et avec dédain, sa nouvelle classe sociale oblige.
Il ne salue que très rarement ses pairs.

Pourtant, son collègue qui est assistant parlementaire d’un député en vue, mais sans bagage intellectuel, prépare une motion de destitution contre lui et, par pur hasard, les deux hommes se sont croisés ce matin à la salle des professeurs, sans se saluer. La suite au parlement.

À l’Université de Kinshasa, son père est Directeur Général d’une entreprise publique, Giscard… vient à l’Université avec un gros cylindré. Il passe sa journée à la cafétéria, puis à la terrasse et le soir, aux bars qui ont élus domiciles en face de l’entrée principale de l’Unikin.

Il prend la bière avec ses amis de 08h00 à 16h00.

Il sèche les cours mais il a engagé des nègres. Ils font tout pour lui: Travaux pratiques, examens, suivi et branchement.

Au passage, il graisse la patte aux professeurs, chefs des travaux et assistants. Même les gardes universitaires sont arrosés au passage.

À la fin, il obtient 78℅ et passe à la première session sans aucun échec léger.

Son nègre quant à lui, doit attendre le 3eme ou le 4ème recours pour passer de classe.

À l’Université de Kinshasa, les homes d’étudiants sont à l’image des résidents : propres, moins propres et abandonnés.

D’autres sont tellement vétustes que la canalisation laisse échapper des excréments dans les chambres à coucher qui se transforment en fosse séptique et en flaque des cacas.

On retrouve toutes formes des vices dans ces homes: prostitution, trafic des drogues, coiffure, commerce et négoce de tout genre, etc.

Les amitiés qui y naissent durent toute la vie et certaines deviennent mêmes plus fortes que les liens de sang. Plusieurs deviennent Directeurs de cabinet de leurs anciens collègues.

À l’Université de Kinshasa, tout est politisé.

Toute est fonction de l’obédience politique.

Les étudiants de la majorité ont plus de chance que ceux de l’opposition.

Leurs réunions sont tolérées et celles de l’opposition réprimées.

Même le corps professoral est divisé en deux : les professeurs de la majorité sont mieux lotis que leurs collègues de l’opposition.

Leur habillement en dit long sur leur appartenance politique : costumes de dernière génération assorti d’une chemise à col élimé, Jeeps contre Mazda 323, chaussure weston Made in Italia contre chaussure vieux ngunda made in China, etc.

À l’Université de Kinshasa, il n’y a pas que des étudiants, il y a aussi des policiers, des militaires, des agents de renseignements, des mouchards, etc. Il ne faut pas raconter n’importe quoi sinon on fera n’importe quoi sur vous.

D’un coup, un étudiant qui a pris un taxi n’a plus été revu…;

À l’Université de Kinshasa, il descendait à pieds faute de transport sur la route intendance.

Soudain, un Range Rover nouveau modèle s’arrête devant lui et lui fit signe de monter. Il pris place à côté d’une belle dame.

Cette dernière a l’air d’un haut fonctionnaire publique, elle lui fait des avances et il accepte aussitôt.

Pour lui c’est une occasion en or d’être entretenu par une femme aussi riche.

Pour elle, c’est un jouet sexuel qui doit satisfaire ses fantasmes pour combler le manque de son mari qui, lui aussi, entretient une étudiante de G2 et âgé de 20 ans. Il loue pour elle un appartement à Bandal et lui a acheté une jeep RAV4.

Le petit gars lui aussi se voit déjà en Mercedes, question de prouver à son ex copine, qui l’a quitté pour un vieux, que dans la vie tant que la personne n’est pas morte, il y a toujours un espoir. C’est l’histoire du cocu cocufié.

À l’Université de Kinshasa, un certain professeur ne vit et respire que par la corruption. Chez lui, l’intelligence se calcule à la somme donnée par un étudiant. Tous les moyens sont bons pour rançonner les étudiants.

Il faut dire qu’il a 3 femmes et doit aussi entretenir 25 enfants.

Le questionnaire des Travaux pratiques est à 10.000 FC, celui des interrogations à 5$ et celui des examens à 10$, le syllabus est à 30$.

Pour le suivi et branchement, le prix dépend du piston.

À l’Université de Kinshasa, il y a aussi des occultistes, des spiritistes, des satanistes, des chrétiens, des musulmans, des animistes, etc. C’est juste une question des goûts et des couleurs mais ici ce n’est pas que de la religion mais de la science peu importe l’épithète qu’on lui donne: exacte, humaine, sociale, occulte, etc. Il suffit que l’objet, la méthode de recherche et l’experimentation se retrouvent, enfin, le tour est joué.

À l’Université de Kinshasa, il n’y a rien pour rien. Soit on a quelque chose à donner, soit on a tout à perdre…

Il y a aussi ces enfants délinquants éparpillés aux quartiers environnants du site universitaire. Certains seraient les fruits des amours temporaires entre étudiants et vendeuses à la sauvette. Et puis, le Père disparu à la fin de son cycle universitaire.
Abandonnant la pauvre vendeuse à ses tristes illusions.

La colline est dite inspirée mais par qui et par quoi? Ça on ne le dira jamais

Par Bishop Thierry Mfundu

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here