Ballade poétique dans la commune de Bandalungwa

0

La municipalité de Bandalungwa, affectueusement appelée Paris par ses habitants se confond avec son homonyme européenne à bien des égards. Si de l’autre côté il y a autant des ponts qui enjambent la Seine, ici, il n’y a qu’un ouvrage qui relie les deux rives de la rivière Makelele.
Si l’autre s’appelle ville-lumière, nous sommes ici dans une ville lumière et ténèbres semblent co-eternelles.

Dans la commune de Bandalungwa, il s’appelle Fally Nsimba. Traité de voyou et galérant comme tout jeune kinois, il a dû trimer autant d’années dans la musique. Autrefois danseur au groupe Efandjibola puis chanteur au groupe talent latent et quartier latin. Aujourd’hui, il est devenu Fally Ipupa, une étoile de Bandalungwa qui fait danser le monde entier. L’effort nourrit son homme dit-on.

Dans la commune de Bandalungwa, il vient de Kikwit et débarque à Kinshasa chez son oncle paternel. Il éprouve d’énormes difficultés sur le plan social d’autant plus que son frère aîné est tétraplégique. Avec un groupe d’amis, il monte un orchestre qui répète dans le tunnel jouxtant leur résidence. Son diplôme d’état en poche, il continua les études universitaires et obtint son diplôme de premier cycle. Mais la musique est son violon d’Ingres. Il en fit son gagne-pain et de Ngiama Makanda Émérite, il devient Werrason, une star planétaire. Son frère aîné tétraplégique est l’une des grandes voix du gospel de notre pays, le frère Patrice Ngoy Musoko ;

Dans la commune de Bandalungwa, son père épousa une deuxième femme. Ce qui mit en maille son existence. Au lieu de se décourager, cela lui donna la force de se battre. Se remémorant son nom, il espéra, au-delà de tout, devenir l’un des pasteurs le plus en vue du pays, espérance Mbakadi;

Dans la commune de Bandalungwa, il est un jeune garçon qui nait dans une famille modeste. Au lieu d’étudier, il s’adonna à la musique et à la sape, avant de sombrer dans la drogue et l’alcoolisme. Aujourd’hui, il fait le tour des bars et bistrots pour quémander en arguant partout : nga muana Ndal. Comme si c’était une clé passe-partout pour lui ouvrir toutes les portes ;

Dans la commune de Bandalungwa, elle habite vers la rivière Makelele. Orpheline de père et de mère, elle s’est mise à vendre les agrumes dans le quartier Maulaert. Elle s’est battue corps et âme pour son commerce, malgré l’opposition de tous genres. Des gars mal intentionnés qui lui ont non seulement escroqué l’amour mais lui ont fait des enfants au passage. Abandonnée à son triste sort, elle mis du cœur à l’ouvrage et aujourd’hui, elle gère un dépôt des agrumes où les vendeuses de Bandalungwa et d’ailleurs viennent s’approvisionner ;

Dans la commune de Bandalungwa, il a volé le livret parcellaire, puis vendit la maison de son père, laissant la famille dans le dénouement le plus profond. Aussitôt, il partit en Europe. Après 25 ans et sans papier, il fut refoulé lors d’un contrôle de routine. Rentré bredouille et vu dans le quartier comme un vrai ”gaillard zéro”, il serait autoproclamé prophète, aux dernières nouvelles ;

Dans la commune de Bandalungwa, les rues se ressemblent : fortes présences des bars, hôtels et petits commerces : salons de coiffure, maisons d’habillement, boutiques de cosmétiques, etc. Autant d’églises et peu ou pas d’université ;

Dans la commune de Bandalungwa, la plupart se rêve en musicien, en pasteur, en mikiliste et peu rêve en intellectuel, en prix Nobel, en grand médecin, en grand avocat, etc.;

Dans la commune de Bandalungwa, l’on peut chaque soir observé se côtoyer le plus grand luxe et la plus grande pauvreté. La cité oasis avec son luxe, son opulence, ses lumières, ses immeubles et ses habitants contraste avec les bicoques du camp kokolo, ses ruines, ses ténèbres, ses enfants mal nourris et au ventre bedonnant, ses militaires mal payés, devenus clochards dans leur propre campement ;

Dans la commune de Bandalungwa, elle a 14 ans et ses parents sont chômeurs, mais elle a déjà un téléphone I phone 6 et chaque jour, elle a des crédits pour des appels et des megabytes. Elle va fauchée à l’école et rentre argentée comme jamais. Il arrive que son papa lui demande un morceau de shawarma qu’elle ramène de ses escapades nocturnes et diurnes ;

Dans la commune de Bandalungwa, les gens prient beaucoup mais c’est la dépravation et la délinquance qui augmentent tous les jours, les jeunes filles sont engrossées et les jeunes garçons deviennent pères à 16 et 17 ans;

Dans la commune de Bandalungwa, il y a une vie avant et une vie après. Les uns vivent bandal sur Paris d’autres vivent bandal dans Paris.

Par Bishop Mfundu

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here