Décès de Papa Wemba : «Comme Molière, il voulait mourir sur scène»

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papa wemba chante

La fête a tourné au drame. Alors que le Festival des musiques urbaines d’Anoumabo bat son plein dans la nuit de samedi à dimanche à Abidjan (Côte d’Ivoire), le chanteur congolais Papa Wemba s’écroule sur scène, victime d’un malaise, et meurt quelques heures plus tard, à l’âge de 66 ans, laissant un peuple et un continent orphelin.

Le pape de la rumba congolaise était l’une des stars de l’événement organisé chaque année par le groupe Magic System.

Vers 5 h 10 du matin, après une longue soirée de concerts, il succède au rappeur Kery James et à la star de la musique camerounaise Charlotte Dipanda face à plusieurs milliers de personnes. Devant la scène, les filles enchaînent des pas de n’dombolo, célèbre danse congolaise remise au goût du jour en France avec la chanson « Sapés comme jamais » de Maître Gims, fils d’un ex-musicien de Papa Wemba.

Le show est diffusé en direct sur la RTI, chaîne de la télévision nationale ivoirienne. Un quart d’heure après le début du concert, alors qu’il entame sa troisième chanson, il s’évanouit derrière ses danseuses. Les musiciens continuent à jouer quelques secondes avant de tenter de lui porter secours. Le public sur place reste interloqué tout comme les téléspectateurs qui peuvent suivre le concert chez eux. La RTI stoppe sa retransmission. Les lumières du festival sont éteintes, plongeant une marée humaine dans l’obscurité. La Croix-Rouge prend en charge l’artiste et le transporte à la clinique de l’Hôtel-Dieu d’Abidjan alors que des mouvements de foule compliquent son évacuation.
« J’ai un diplôme de secouriste, j’ai lutté pour éloigner les gens mais il y avait trop de monde », confie Belaji, sémillante Ivoirienne qui avait parlé un long moment avec le chanteur, main dans la main. « Il m’avait demandé d’apprendre le lingala (NDLR : langue parlée au Congo) et nous avons discuté des forces de l’esprit. C’était prémonitoire », ajoute-t-elle entre deux sanglots. « Nous avons déjà perdu Prince cette semaine, mais pour nous Papa Wemba est une icône tout aussi importante, explique un journaliste africain qui l’a interviewé la veille. Il était un papa pour tout le monde, d’ailleurs, tout le monde l’appelait Papa. Au Congo, il était traité avec les mêmes honneurs qu’un président. »

Dans la cour d’un modeste hôtel ce dimanche, son manager, ses musiciens, sonnés, patientent, prennent dans leurs bras les nombreuses personnes venues les soutenir. Des larmes coulent, sous les lunettes noires d’une de ses danseuses. Incrédule face à cette fin si brutale.
« Lors d’un déjeuner samedi, il me disait ne pas comprendre les artistes qui prenaient leur retraite, raconte Claudy Siar, présentateur de l’émission Couleurs tropicales sur RFI, qui le connaît depuis 1985. Et il évoquait souvent Molière, en certifiant que lui aussi voulait mourir sur scène. »

Il a inspiré Stromae et Maître Gims

Il avait près de cinquante ans de carrière mais était toujours dans le coup. Papa Wemba, de son vrai nom Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba, avait modernisé la rumba congolaise, inspirée des rythmes cubains, très populaire dans les années 1950 sur le continent africain. Papa Wemba l’avait électrisée pour en faire des chansons festives, inspirées également de ses références anglo-saxonnes.
Un son qui a inspiré quelques-uns des tubes de ces derniers mois. La guitare remuante du « Papaoutai » de Stromae n’est pas loin de celles de Papa Wemba. Tout comme l’ambiance de « Sapés comme jamais » de Maître Gims. Peu surprenant de la part du rappeur de Sexion d’Assaut, lui-même congolais et dont le père a été longtemps l’un des musiciens du chanteur décédé hier à Abidjan. Légende africaine, Papa Wemba avait eu aussi maille à partir avec la justice française. Il avait été condamné à trente mois de prison dont quatre ferme en 2004, pour avoir couvert le passage de près de 150 clandestins congolais vers la France et la Belgique, mêlés aux groupes de musiciens et de danseurs de ses tournées.

E.M.

Un article de Le Parisien

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