Selon un bilan provisoire, 26 personnes auraient péri au marché de Matadi Kibala, ce 02 février, dans la commune de Mont-Ngafula. Principalement des vendeurs de ce marché. Un câble électrique haute tension s’est détaché de deux pylônes situés entre les quartiers Matadi Kibala et Mama Mobutu, ayant tué par électrocution tous ceux qui se trouvaient à sa portée.
Le Président de la République Félix Tshisekedi, le Premier ministre et le gouverneur de la ville de Kinshasa, ont fait le déplacement sur le lieu du drame pour compatir avec la population et constater les dégâts.
Constater les dégâts, voilà la phrase de trop lorsqu’on sait que Gouverner c’est prévoir.
Et pourtant, ce drame aurait pu être éviter si les pouvoirs publics avaient interdit aux vendeurs d’exercer leurs activités marchandes aux emprises de la route, sous le câble électrique haute tension.
Pourquoi la construction d’un marché dit moderne à Matadi Kibala, annoncée déjà en 2020 par le Gouverneur de la ville de Kinshasa, Gentiny Ngobila, n’a jamais connu le moindre début des travaux deux ans après, alors que la durée de construction n’était que de 8 mois? Les taxes ne continuent-elles pas à être prélevées sur ce marché, sans protection pour les vendeurs?
Si ce n’était pas le câble haute tension, ça aurait pu être un véhicule qui rase les étalages de ce marché, au regard de leur proximité par rapport à la chaussée de la route nationale N°1 très fréquentée quotidiennement par de nombreux camions poids lourds.
Mais pourquoi rien a été fait?
Apparemment les Autorités ne tirent pas de conséquence de grands drames que connait notre pays.
On se limite juste à constater les dégâts, transporter les corps à l’hôpital et prendre en charge l’enterrement des victimes.
L’incident du marché Type K qui s’est produit le 8 janvier 1996, soit 25 ans plus tôt, et qui avait fait plus de 1000 morts, ne constitue-t-il pas un précédent dont l’expérience malheureuse puisse servir de leçon ?
En tout cas, cette hécatombe survenue plus de deux décennies avant se révèle en définitive comme une éloquente démonstration de l’« insensibilité quasi-inhumaine de tous les gouvernements qui se sont succédé en République Démocratique du Congo».
Mais paradoxalement, ce marché renaît de ses cendres, tel un phénix, et continue à fonctionner jusqu’à ce jour et à fournir de juteuses redevances au Trésor public, en attendant une nouvelle drame. Et puis, constat, enterrement des victimes, prise en charge des familles éprouvées par l’Etat. Et le cycle continue. Le crash d’un Antonov 26 à Kingasani dans la commune de Kimbanseke, en 2007, avec ses 50 morts et 50 blessés en pleine zone d’habitation, est là pour corroborer la nonchalance des autorités congolaises en termes d’anticipation.
Idem pour la catastrophe du camion citerne de Sange qui a fait plus de 242 morts le 2 juillet 2010 sur la route nationale 5 dans le Sud-Kivu.
Cela n’a jamais empêché la circulation des camions-citernes d’essence qui ont repris nos artères à des heures de grand trafic comme s’il n’y a jamais eu Sange… Jusqu’à ce que l’incident du Kongo Central n’arrive le 06 octobre 2018.
Dans le village Mbuta, sur la nationale 1, plus de 40 personnes ont péri et une centaine de personnes grièvement brûlés dans une explosion causée par un camion-citerne plein de carburant. Bis repetita et toujours aucune mesure pour prévenir ces types d’incident.
Il faut noter aussi des naufrages des baleinières et autres péniches dont les plus récents ont eu lieu:
– Octobre 2021 près de la localité de Bumba, dans le Nord – Ouest de la RDC, sur le fleuve Congo. 61y morts;
– Janvier 2021: Naufrage d’une embarcation dans la rivière M’fimi. 3 morts, plusieurs disparus et une soixantaine des rescapés.
On peut continuer ainsi à énumérer des cas de drames qui se sont enchaînés et où les autorités ont répété le même comportement stéréotypé.
Cette succession des drames et catastrophes ainsi que l’inaction des Autorités publiques n’a pas laissé indifférents Didi Mitovelli, enseignant à l’Ifasic, communicateur et analyste des faits sociaux qui nous livre ici sa réflexion:
“Des pylônes haute tension non entretenus, vétustes, menacés par des érosions, avec leurs câbles au-dessus de nos têtes…
Des camions-citernes d’essence qui ont repris nos artères à des heures de grand trafic comme s’il n’y a jamais eu Sange…
Des “baleinières” et autres péniches surchargées de passagers, qui continuent à braver le fleuve comme si chaque mois n’enregistre pas un nouveau naufrage…
Des stations-service de plus en plus nombreuses ne respectant pas les normes de sûreté, de distanciation avec les maisons d’habitation…
Des terrasses installées le long de grandes artères parmi les plus fréquentées…
Des maisons d’habitation construites sur le lit des cours d’eau…
L’absence de l’autorité de l’État ne pouvait pas être mieux illustrée… Avant ou après le général Janssens!”
De quoi nous interroger sensiblement sur les responsabilités des uns et des autres quand on sait que dans un communiqué, la SNEL a rejeté la responsabilité du drame de Matadi Kibala à la foudre et à l’inconscience des vendeurs.
Et dire qu’un Directeur de la Snel, de surcroît ingénieur électricien, ne s’explique pas ce qui est arrivé à Matadi Kibala.
Or il est de notoriété publique que les pylônes hautes tensions sont équipés des disjoncteurs automatiques qui coupent automatiquement le courant en cas d’inclinaison ou sectionnement brutal.
Qu’en est il de la culture de la démission ?
Didi Mitovelli réponds ainsi:
“Même dans les États où la morale politique, publique a encore de beaux jours, la démission de ses charges publiques après une affaire, un scandale, une catastrophe, … , n’est toujours pas chose facile, elle ne s’obtient pas sans quelque pression en haut lieu…
Les pylônes non entretenus et menacés par les érosions… En bas, un marché qui y voit le jour, et les services de l’État qui choisissent plutôt d’y percevoir des taxes… Et personne parmi nos autorités de quelque échelon que ce soit, ne se sent responsable de près ou de loin dans cette terrible tragédie de Matadi-Kibala!
Quelle solidarité ”[…] de copains nous gouvernent, […] même dans l’incurie et dans la… médiocrité!”
Bishop Mfundu