Foot : Florent Ibenge, l’employé de mairie de Lille qui a fait chavirer l’Afrique (VIDÉO)

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Sélectionneur de la République démocratique du Congo, Florent Ibenge, 53 ans, a mené son pays sur le podium de la CAN, en janvier dernier. Un exploit retentissant qui a fait chavirer de bonheur les 80 millions d’habitants de ce pays immense. Et une expérience qui a transformé à jamais la vie de ce technicien dont le premier banc de coach fut celui du club du quartier lillois de Fives, et qui est encore officiellement mis en disponibilité par la mairie de Lille.

 

Au coeur de l’enjeu politique

Dernier pays qualifié pour la CAN, la RDC fut l’une des bonnes surprises de la compétition en se hissant jusqu’en demi-finales, éliminée par le futur vainqueur, la Côte d’Ivoire. Elle a surtout marqué les esprits lors d’un match à rebondissements en quarts de finale face à son voisin, rival et homonyme, la République du Congo (ou Congo-Brazzaville), entraînée par un autre Français, Claude Le Roy. « Ce match-là, on n’avait pas le droit de le perdre, les enjeux dépassaient le foot, la pression était énorme», souffle Florent Ibenge.

Car en filigrane ressurgissaient de sérieux contentieux entre les deux pays séparés par le fleuve Congo. «L’an dernier, des dizaines de milliers de nos ressortissants qui vivaient à Brazzaville ont été expulsés manu militari. Si nous avions perdu, cela aurait été très mal vécu. Il y avait aussi eu quelques appels à la rébellion dans le pays, notre victoire a finalement pacifié tout le monde. Chez nous, le foot, c’est l’opium du peuple, quand l’équipe nationale va, tu gagnes aussi la paix. »

Menée 0-2, la RDC l’a finalement emporté 4-2 face à son voisin. «C’était un scénario incroyable. À partir de là, pour nous, la CAN était déjà gagnée. À Paris, gare du Nord, à Bruxelles, au Canada, notre diaspora s’est réveillée et il y a eu des scènes de liesse dans les rues du monde entier. À Kinshasa, c’était de la folie, même si nous n’en voyions que les images à la télé.»

 

Le tourbillon à Kinshasa

« Loin de la famille, c’est dur, très dur », confie Florent Ibenge, dont l’épouse et les deux filles habitent toujours à Lille. Celles-ci ont déjà fait le voyage plusieurs fois et constaté que la vie de « papa » était bien différente à Kinshasa. «J’ai voulu lui créer un compte Facebook, mais au bout d’une heure il y avait déjà mille demandes d’amis, alors on l’a annulé », sourit sa fille aînée.
Et encore, c’était avant les exploits en Coupe d’Afrique. «Ma vie a complètement changé depuis, poursuit Florent Ibenge. Je ne peux plus me promener en plein jour, quand je sors, la route est bloquée par une émeute. Cela durera le temps que ça durera, mais pour l’instant, c’est comme ça. Pour autant, je n’ai pas envie de vivre anormalement, je ne prends pas de garde du corps. J’ai juste fait poser des vitres teintées sur mon véhicule, mais bon, ça ne sert pas à grand-chose, les gens connaissent tous par cœur ma plaque d’immatriculation. C’est simple, entre le public et moi, il y a un feeling incroyable. Les gens ont même créé des chansons à mon nom qu’ils reprennent en chœur. Quand nous sommes rentrés de la CAN, on a vraiment pris conscience de l’impact que nos résultats avaient eu dans le pays.»

 

Le foot à la sauce congolaise

Sélectionneur de l’équipe nationale, Florent Ibenge est aussi et surtout l’entraîneur de l’AS Vita Club, l’équipe porte-drapeau de la capitale et finaliste de la dernière Ligue des champions d’Afrique. «À Kinshasa, il y a dix millions d’habitants et l’activité principale des jeunes, c’est le foot. Il y a énormément de joueurs de talent, mais la RD Congo n’est pas prospectée par les clubs européens parce qu’elle est considérée comme étant en guerre. L’an dernier, j’ai contacté Jean-Michel Vandamme, du LOSC, mais il m’a dit que le pays était trop instable pour qu’il prenne le risque d’y envoyer un recruteur. Le pays est pourtant vaste comme cinq fois la France et les zones troublées se situent tout à l’est. En attendant, l’un de mes joueurs de l’AS Vita Club, dont je lui avais soumis le nom, Mubele Ndombe vient d’être élu comme joueur de l’année évoluant en Afrique.»

Avec sa sélection nationale, Florent Ibenge est parti de rien, ou presque. « Au départ, je me suis fait un peu railler dans les médias quand j’ai dressé une liste de 107 joueurs, dont beaucoup de binationaux en France et en Belgique, pour leur aviser qu’ils étaient susceptibles de jouer pour la RDC. Même si beaucoup de nos jeunes qui ont grandi en Europe rêvent d’abord des Bleus ou des Diables Rouges, ils ont pris conscience que cela pouvait être une belle opportunité pour eux. Et puis, il y a aussi la fierté de porter le maillot du pays de ses parents. Avec la RDC, l’un des objectifs prioritaires est d’être qualifié pour la phase finale de la prochaine Coupe du monde en 2018. »
Pour y parvenir, Florent Ibenge espère ramener en sélection des joueurs de la trempe de Giannelli Imbula, Michy Batshuayi ou même Gaël Kakuta. Peut-être seront-ils attirés aussi par la gestion congolaise des avant-matchs. «Dans le bus, les joueurs chantaient et dansaient. Même dans le vestiaire, l’ambiance était festive. Quand on fait ça, il faut ensuite savoir se reconcentrer au bon moment, c’est un juste équilibre à trouver, mais ça permet de dédramatiser un match. En Angleterre, ils écoutent bien de la musique.»

Source: www.lavoixdunord.fr

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