
De 1998 à nos jours, il ne se passe pas un jour sans que l’on parle de l’Est de la RDC suite aux différentes guerres, rebellions et tensions dans cette partie du pays.
Les différents conflits de l’Est ont fait des milliers des morts, des nombreux blesses, des nombreux cas des viols selon les sources, le décès de 183 000 personnes selon des démographes européens à environ 4 à 4,5 millions de personnes principalement de famine et de maladies selon un rapport de l’International Rescue Committee.
Les autres effets incluent le déplacement d’environ 3,4 millions de personnes au sein de la RDC, ainsi que l’appauvrissement de centaines de milliers d’autres.
La majorité des déplacés proviennent de l’est du pays. Près de 2 millions de personnes ont également été déplacées vers les contrées avoisinantes, le Burundi, le Rwanda, la Tanzanie et l’Ouganda.
Mais les plus grands oubliés de ce conflit sont les militaires et leurs familles qui ont payé un si lourd tribut à ces différents conflits.
Plusieurs sont tombés dans les champs de bataille et sont enterrés de manière anonyme ou dans des fosses communes. Peu ont reçu les honneurs dûs à leurs sacrifices suprêmes.
En janvier 2021, des images insoutenables circulant sur les réseaux sociaux l’enterrement dans deux fosses communes des pilotes FARDC victimes de deux crashes d’hélicoptères ont suscité l’indignation générale.
Pas de cercueils couverts de drapeau, les militaires ont été jeté dans un trou comme des simples détritus.
“Si la mort appartient intrinsèquement au métier du soldat, les honneurs funéraires militaires doivent répondre à une tradition démocratique,” avait dit le journaliste Freddy Mulongo au vu de ces images.
Notre compatriote Berry Muekatone en était tellement déprimé qu’il a demandé pardon aux familles de ces héros oubliés: “Quelle tristesse ! Quelle désolation ! Quelle damnation ! Défendre son pays et finir dans un trou comme des détritus ? J’ai honte et je demande pardon aux familles de ces militaires et aux nombreux martyrs congolais. Oh mon Dieu ! Qu’avons-nous fait pour mériter ça ?”
Le Président de la République Félix Tshisekedi s’est rattrapé au mois d’août 2021 en décorant ses 7 pilotes tombés au combat à titre posthume.
Et depuis ce jour là, l’Etat-major général des FARDC s’était engagé pour des obsèques dignes pour ces soldats du peuple.
Mais depuis lors, plus rien. Des nouvelles des militaires tombés sur le champ d’honneur sont diffusées chaque jour sur les médias et les réseaux sociaux sans qu’ils soient honorés avec drapeaux et sous une procession aux pas cadencés des militaires portant les cercueils couverts des drapeaux aux trois couleurs: Rouge, bleu et jaune.
Hormis ses militaires tombés au champ de bataille, enterrés à la sauvette et dont les familles n’ont reçu aucune pension moins encore leurs effets, il y a aussi les cas de ces soldats déployés au front, dont la parole est rare, oscillent entre colère et résignation, au regard des retards accumulés dans le paiement leurs primes, la modicité des salaires et des conditions de vie déplorables.
Le cas qui nous interessent ici, est celui de ces militaires qui ont laissé leurs familles et partis combattre au front depuis des longues années et qui y sont encore.
Il s’agit du Major Aimé Dollar dit Fostro (nom modifié) et le Colonel Likonga (nom modifié).
*Major Aimé Dollar, quarantaine d’années, actuellement à Bunia, province d’Ituri, parti en guerre depuis 1998*
“Je fus militaire au 32e bataillon aéroporté Kotakoli. Après ma formation militaire, je fus envoyé au front lors de l’entrée des troupes de l’AFDL. Après le débacle de Kenge et la chute de Kinshasa, nous avons été désarmé et envoyé à la base Kitona. Lors de la 2e guerre de Kivu, nous avons été envoyé au front vers septembre 1998. D’abord à Goma, puis à Bukavu, puis à Bunia, Buta puis à Aru. Nous sommes allés au Sud Soudan après l’avancée des troupes du RCD-KML ensuite en Centrafrique avant de revenir en RDC via Zongo et Gbadolite où nous avons combattu les troupes du MLC de Jean Pierre Bemba. Après la chute du fief de Mobutu, nous avons été envoyé à Beneleka près de Kananga, à l’Ex- Kasaï Occidental pour une formation des officiers.
Après cette formation, nous avons été aussitôt envoyés à Goma pour combattre Nkunda Batware et ses troupes puis le M23 avant de rejoindre Bunia, en Ituri où nous avons combattu les FDLR, les rebelles de Armée de Resistance du Seigneur, de la CODECO, les Maï Maï et actuellement les ADF/Nalu.
Je n’ai pas assisté aux funerailles de mon Père en 1998, de ma mère en 2021 et de mon Frère ainé en 2011.
Mes parents n’ont pas eu l’occasion de voir et connaitre mes enfants y compris ma femme. Ça je le regrette vraiment.
Depuis 1998, j’ai vu ma famille une fois seulement en 2018 suite à une formation d’officiers de deux mois à Kitona. Mon escale à Kinshasa m’a permis de revoir ma famille vite fait. Depuis plus rien.
Ma famille me manque beaucoup y compris mes amis. Mais je n’ai pas le choix. Je fais un service télécommandé et je dépends de ma hiérarchie. Si l’occasion m’est offerte, je souhaiterai être muté à Kinshasa pour permettre à mes enfants de faire connaissance avec ma famille. Moi aussi je dois connaitre mes neveux et nièces ainsi que leurs enfants.”
*Colonel Likonga, 58 ans. Actuellement basé à Munigi, près de Goma au Nord Kivu*
“Colonel depuis les FAZ, Forces Armées Zaïroises, je fus envoyé à Kitona.
En 1999, Je fus envoyé à Bukavu au Sud Kivu, puis à Kalemie à Tanganyika, à Sakania et au Camp Katindo à Goma.
J’ai participé à pratiquement à toutes les guerres et conflits depuis mon départ de Kinshasa: 2e guerre de Kivu, Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Laurent Nkunda et à de nombreux autres groupes armés dans les provinces actuelles du Nord Kivu, Sud Kivu, Tanganyika, etc.
Mon regret est que j’ai laissé ma femme et mes enfants (plus de 5). Certains sont mariés et ont des enfants. Malheureusement je n’ai pas eu les temps de les voir (sauf sur les photos bien sure) depuis mon départ.
Ici aussi, j’ai eu des enfants et je voudrais qu’ils connaissent aussi leurs Frères et soeurs à Kinshasa et ceux qui ont voyagé par ci et par là. Kinshasa me manque.
J’ai plusieurs fois frôlé la mort, plusieurs fois été blessés aux cotés du Général Bahuma dont je fus membre de l’État Major.”
Cette situation des militaires partis pour ne plus revenir doit être une de préoccupations de l’État Major des Forces Armées de la RDC, FARDC.
Interrogé par la chaîne allemande DW sur les reformes à entreprendre par le Président Félix Tshisekedi au sein des FARDC, Jean-Jacques Wondo, spécialiste des questions de défense et sécurité, répond ceci:
“Ce qu’il doit faire, c’est d’abord être mieux informé de la situation sur le terrain et la réforme de l’armée consiste d’abord à voter, par exemple, une loi qu’on appelle la loi de programmation militaire, qui permet à ce que le Parlement lève un budget conséquent qui permette la modernisation de l’armée.
L’autre chose, c’est continuer à former l’armée de manière qualitative. Il faut par exemple recenser les militaires qui sont sur le terrain. Il faut réformer au niveau du commandement. Il faut aussi restructurer les troupes qui sont sur le terrain, qui sont déployées.
La plupart des troupes sont là depuis des années et aussi travailler au niveau de la réforme des services de renseignement.
Que ce soient les renseignements militaires ou les renseignements civils, sans aussi oublier les aspects d’ordre diplomatique qui doivent être menés au niveau de la région.”
Bishop Mfundu
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