Décidément, la partie de la Commune de Kimbanseke comprise entre la Place appelée « Dokolo », du nom d’un puissant opérateur économique aujourd’hui disparu, Place qui marque la frontière de cette inutilement vaste commune à cet endroit, avec la Commune de N’djili, et le cimetière, est en proie à une insécurité galopante et d’une autre nature.
En effet, si ailleurs, la violence urbaine est surtout l’œuvre des kuluna, ces hors-la-loi que les autorités du pays se sont promis de réduire très bientôt à leur simple expression, dans la zone précitée ce sont des policiers eux-mêmes qui sèment la désolation au sein de la population, apparemment dans l’impunité totale.
Ils terrorisent les paisibles citoyens, la nuit tombée, lorsqu’ils rentrent chez eux après avoir vaqué à leurs occupations, en les dépouillant de tout ce qu’ils ont sur eux et en en battant sauvagement ceux qui tentent de leur opposer une résistance.
Ils pillent les unités de production installées dans la commune, qu’ils sont pourtant censés protéger : plusieurs boulangeries, des boutiques, un shop Vodacom et même les installations d’ASSUREP, cette ONG spécialisée, notamment, dans la distribution de l’eau potable obtenue par forage, ont déjà passé des nuits agitées à la suite des visites de ces bandits qui, selon toute vraisemblance, se sont faits policiers afin d’obtenir une couverture devant leur permettre d’opérer tranquillement, et des armes pour mieux réussir justement leurs sales besognes. Cette tenue, ces armes et ces munitions achetées par le trésor public, ils les utilisent contre la population.
Hier dimanche, la population de cette partie de Kimbanseke a été réveillée par des coups de feu tirés par des éléments de la police nationale. De quoi s’est-il agi ?
Aux premières heures de la matinée, vers 2h, un groupe d’hommes en uniforme se pointa au N°72 de la Rue Kingotolo. Après avoir détruit la porte de la maison par des coups de feu, ils pénétrèrent dans la maison.
Un véhicule 4×4 parqué au coin de la rue voisine avec un militaire armé, dissuadant toute velléité d’intervention.
De la maison visitée, la propriétaire osa demander qui était là. « Nous sommes venus te tuer, toi, répondit avec outrecuidance un des assaillants. Tu vas nous donner tout l’argent que tu gardes ici sinon c’en est fini de toi aujourd’hui ».
La pauvre femme est une veuve. De son vivant, son mari s’était battit une petite entreprise qui ne lui a pas survécu longtemps. Mal informés, les agresseurs ont cru qu’elle détenait une caisse bien fournie chez elle. D’où tout l’intérêt de leur visite nocturne.
Libena, 35 ans, fils de la dame, s’abrita derrière la porte d’entrée. Les assaillants fouillèrent toute la maison. En dernière minute, au moment où ils voulaient quitter la maison, l’un d’eux eut le réflexe de regarder derrière la porte. Il découvrit alors le jeune homme et lui logea deux balles, l’une à l’avant-bras gauche et une autre à la jambe gauche.
Après le départ de ces brutes, Libena a été acheminé à l’Hôpital Kimbanguiste de Kimbanseke où il est encore en soins intensifs.
Les bandits ont également tiré sur sa mère pour la pousser à cracher l’argent. Le tireur ayant visé sa jambe, qu’il voulait donc briser, la pauvre femme, qui approche de la soixantaine, eut le réflexe de soulever son pied. La balle a donc frôlé la jambe, blessant la plante du pied de la dame. La blessure étant sérieuse, elle est, elle également, internée dans le même hôpital.
Au finish, ces voleurs sont rentrés bredouille car il n’y avait effectivement pas, dans cette maison, l’argent qu’ils étaient allés chercher. 12 balles ont au total été tirées. Des munitions achetées par le trésor public bêtement perdues.
Mais cette malheureuse famille n’a pas été la seule victime de cette nuit-là. Ces truands avaient d’abord visité deux autres familles respectivement sur les rues Batshikama et Nsanga. Dieu merci, il n’y a pas eu, là-bas, de dégâts humains.
Le matin, les jeunes du quartier, excédés par ces incessantes tracasseries des hommes en uniforme, se sont fâchés et, dans un élan spontané, se sont rendus au sous-commissariat installé sur la même rue, moins de 300 mètres plus loin, pour une action punitive. C’est le début de ce que nous avons toujours craint, à savoir, que le peuple soit dépassé et qu’il se mette à se rendre justice.
Comment, se sont demandés les jeunes, mais également toutes les personnes, très nombreuses, qui étaient allées aux nouvelles au lieu de l’agression, les policiers qui étaient à quelques mètres de là n’avaient-ils pas pu réagir ? Etait-ce de la complicité ?
C’était donc l’origine des coups de feu qui ont réveillé tous les quartiers environnants dimanche matin. Se défendant, en effet, les policiers commis à ce sous-commissariat tiraient donc en l’air afin de décourager ces jeunes gens en furie. Mais le container qui sert de sous-commissariat a quand même été secoué par ces jeunes qui tenaient à y mettre du feu. Il a fallu l’arrivée du colonel Elvis, commandant de la Police du District de la Tshangu, pour que le calme revienne.
Les policiers sont formels. Cette attaque est l’œuvre des militaires et non des policiers. Sous le couvert de l’anonymat, un policier trouvé dans le sous-commissariat incriminé déclare : « Aucun connaisseur ne peut se tromper. Par le son seulement, on sait distinguer si l’arme qui tire est de la Police ou de l’Armée ».
Mais pourquoi les policiers de ce sous-commissariat n’ont-ils pas intervenu ? Le même policier se lance dans un aveu d’impuissance : « Comment voulez-vous que nous réagissions ? Nous sommes huit ici. Six étaient en patrouille. Nous n’étions restés que deux avec une seule arme. Comment oser affronter des militaires dont on ne connaissait ni le nombre ni la puissance de feu ? ».
A la question de savoir s’il s’attendait à une menace de la part de la population, le policier avoue : « Dès que j’ai entendu le premier coup de feu, je me suis dit qu’on aura des ennuis. Avec tout ce que des policiers inciviques ont fait ces derniers jours dans les environs d’ici, la population ne pouvait que s’en prendre à nous ».
Selon certains témoins, qui affirment avoir suivi la scène à partir de chez eux, certains en lorgnant après avoir escaladé le mur, d’autres en regardant à partir des claustras, les militaires étaient mêlés aux policiers dans cette opération.
Mwisi Yalala
Source : Observateur