Il y a quelques années, l’ex-président sénégalais, Abdou Diouf, alors Secrétaire Général de l’Organisation Internationale de la Francophonie, avait dit :”L’avenir de la Francophonie se joue en RDC”.
Effectivement, le pays de Lumumba s’est révélé, au regard de sa démographie, en termes de locuteurs, comme un vrai substrat sur lequel le futur mondial de la langue française repose.
En effet, avec ses plus ou moins 30 millions de locuteurs réels, la RDC se trouve sur une pente ascendante, étant donné la tendance actuelle des parents à faire du français la langue maternelle obligatoire.
En effet, depuis peu à Kinshasa, plusieurs parents interdisent à leurs enfants de s’exprimer dans un parler autre que la langue de Molière.
Ils les contraignent à ne s’exprimer qu’en français dans la maison et partout où ils se trouvent. Au risque de sévères sanctions à la moindre incartade.
En tout cas, cette inclination collective semble avoir produit des fruits, au regard du nombre d’enfants qui parlent français dans la capitale congolaise.
Autrefois réservée à l’élite, ne pouvant être parlée qu’après un certain niveau d’études, cette langue est devenue aujourd’hui tellement populaire, surtout auprès des jeunes enfants, que cela rend la tâche des professeurs de français facile à l’école.
Mais malheureusement cette propension à inculquer la langue de Macron est une contrainte imposée par les parents – dont l’âge varie entre 20 et 40 ans – à leurs progénitures.
Ici, pas question de Lingala, du Kikongo, Tshiluba ou swahili.
Cette situation a été illustrée par une chanson du Groupe MPR ” Lobela ye Français ” (Parle-lui en français) en 2019. Dans cet opus, on entend:
“Les jeunes filles refusent le lingala. Il parait que le français est devenu la clé du mariage…
Les filles ont rejeté les comédies en lingala pour suivre les novelas par ce que c’est en français…Pourquoi le français est devenu un passeport ou un visa?”
Cette chanson illustre bien le prestige que revêt le fait de s’exprimer en français, au détriment des langues locales.
Est-ce un complexe ou un effet de la mondialisation?
Pourquoi vos petits enfants ne s’expriment-ils qu’en français ? À cette question, la réponse varie d’un parent à un autre.
“Je souhaite que mes enfants parlent en français dès le bas âge pour leurs permettre de ne pas avoir des problèmes d’adaptation au niveau de l’école et même de la vie. De nos jours, lorsque ton enfant ne parle pas français, il sera complexé devant ses amis,” nous raconte Jean Claude Manda, parent de deux garçons.
“Mes enfants parlent en français puisque moi même je n’ai pas eu cette chance d’achever mes études et de bien parler français. C’est pourquoi je ne tiens à ce que mes enfants apprennent et étudient plus que moi. Je crois que le français peut leur ouvrir des portes,” nous confie Niclette Mputu, parent de trois enfants.
“Le lingala n’est pas mauvais. Je sais que mes enfants l’apprendront vu qu’ils sont nés ici à Kinshasa, mais ils doivent commencer avec le français dès le bas âge, pour leur permettre de grandir,” indique un parent résidant dans la commune de Kalamu.
Interrogé à ce sujet, un enseignant nous confie que la langue française, hormis ses dimensions professionnelles et internationales, a aussi une dimension culturelle et esthétique, surtout pour les jeunes parents.
Pour eux, le français est la langue de la culture, de l’amour et de l’esprit qui permet de faire un voyage culturel dans le monde de la mode, de la gastronomie, des arts, de l’architecture et de la science. Longtemps langue de l’élite, ils ont pris leur revanche sur cette langue qui leur été inaccessible dès leur propre enfance pour transmettre cet héritage à leurs propres enfants.”
À cette allure, Il ne faudrait donc pas être surpris de voir des petits enfants partout dans la ville de Kinshasa se communiquer dans la langue de Vaugelas, alors que leurs parents, eux, sont encore cantonnés dans la langue de Bakanja. Deux mondes visiblement opposés.
Mais cette tendance est-elle sans conséquence pour les enfants? En tout cas, il est arrivé à certains enfants d’éprouver de difficultés dans le langage, devant l’embarras entre le français contraint par les parents et le lingala, swahili, kikongo ou lingala parlé par les autres membres de la famille. Ainsi, jusqu’à l’âge d’aller à l’école maternelle, certains n’arrive toujours pas à articuler.
Par ailleurs, un autre défi majeur reste l’orthographe qui est, aux dires de Jean-Marie Guéhenno, la politesse de la langue.
Bishop Mfundu