Majorité Présidentielle : troublante radicalisation !

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Après avoir fait le point avec Etienne Tshisekedi, président du Conseil des Sages du Rassemblement, le mercredi 30 novembre dans sa résidence, commune de Limete, la CENCO (Conférence Episcopale Nationale du Congo) était hier lundi 05 décembre au Palais de la Nation, pour rendre compte au Chef de l’Etat de l’évolution de sa mission de bons offices en vue de dénouer la crise politique qui touche la République Démocratique du Congo. Selon Mgr Marcel Utembi, qui s’est confié à la presse au sortir de l’audience, Joseph Kabila a encouragé les Evêques Catholiques à poursuivre les contacts avec la Majorité Présidentielle et le Rassemblement.

A l’en croire, tout se passe bien et l’espoir d’une solution consensuelle à la situation politique de l’heure n’est pas perdu. Mgr Utembi a fait savoir que les chances des négociations directes entre les deux parties restent intactes. Il a soutenu qu’au stade actuel des contacts, les engagements sont fermes de part et d’autre en vue de trouver une solution consensuelle à la crise politique. Selon lui, d’amples précisions vont être données à l’opinion à ce sujet dans un communiqué conjoint à publier incessamment.

Il faut dire que la présence d’une délégation de la Cenco au cabinet de travail du Président de la République, au Palais de la Nation, a surpris plus d’un observateur. Car, au sortir du dernier week-end, l’harmonisation des divergences entre la Majorité Présidentielle et le Rassemblement des Forces Politiques et Sociales Acquises au Changement semblait impossible. En effet, la famille politique du Chef de l’Etat, dans un communiqué signé Thambwe Mwamba, co-modérateur du dialogue de la Cité de l’Union Africaine, et largement diffusé par les médias, a indiqué que la mission de bons offices confiée aux Evêques Catholiques a montré ses limites, en raison du refus du Rassemblement de souscrire à l’Accord Politique du Camp Tshatshi.

Par conséquent, il ne restait plus à la Majorité Présidentielle qu’une alternative, à savoir la mise en œuvre de l’Accord de la Cité de l’Union Africaine, qui prévoit la mise en place d’un gouvernement de transition, dont le Premier ministre était nommé depuis le 16 novembre 2016. Radicalisant sa position, la MP a fait savoir que le Rassemblement n’avait d’autre choix que d’adhérer à un compromis politique validé par l’Union Africaine, la CIRGL (Conférence Internationale de la Région de Grands Lacs), la SADC (Communauté de Développement de l’Afrique Australe), la CEEAC (Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale) et plusieurs partenaires de la RDC.

Contradictions entre Kabila et ses « faucons »?

L’on se demande, dans plusieurs cercles politiques, à quel jeu se livrent Joseph Kabila et les « faucons » de sa famille politique. Alors que ceux-ci ont constaté, le dernier week-end, l’échec de la démarche de la CENCO et accusé le Rassemblement de rester attaché à son schéma d’embrasement du pays le 19 décembre 2016, l’Autorité morale de la MP, de son côté, donne l’impression de faire encore confiance aux Evêques catholiques dans leurs tentatives de rapprochement entre le camp des signataires de l’Accord politique de la Cité de l’Union Africaine et celui de non signataires.

Le flou que créent les prises de position de l’un et des autres interdit tout pronostic quant à la suite à réserver à la démarche de la Cenco. Les «faucons » de la MP, tout le monde le constate, ne se privent pas de torpiller les initiatives des Evêques catholiques, dans le dessein bien arrêté de conduire une transition où ils croient être les seuls maîtres à bord.

Or, dans l’entendement de la Cenco, la phase ultime de sa démarche devrait se traduire par des négociations directes entre les deux camps politiques autour à la fois de l’Accord Politique du Camp Tshatshi et de la « Feuille de route » du Rassemblement, deux documents où elle avait déjà réussi à identifier les convergences et les divergences. A présent que la Majorité Présidentielle a décidé de passer à l’application des « Résolutions » du dialogue piloté par Edem Kodjo, sans tenir compte des observations du Rassemblement, de la Cenco et de la Communauté Internationale appelant à la conclusion d’un compromis politique inclusif, la question à se poser est de savoir si ce sera sans conséquence.

La Majorité… seule contre tous?

De nombreux analystes politiques se demandent si la Majorité Présidentielle est la seule à avoir raison dans la gestion de la crise de légitimité au sommet de l’Etat congolais. En effet, alors que des sonnettes d’alarmes viennent de partout, et surtout des Occidentaux, la mettant en garde contre un passage en force vers un « glissement » de mandat présidentiel non négocié avec les forces politiques et sociales absentes au dialogue du Camp Tshatshi, elle semble les banaliser et soutenir qu’elle se trouve dans le droit chemin.

Qu’adviendrait-il si l’avenir immédiat donnait tort aux « faucons » de la famille politique du Chef de l’Etat, qui pensent être en droit de narguer les Evêques catholiques, les partenaires extérieurs et les masses populaires foncièrement opposées à une prolongation automatique du second et dernier mandat de leur « Autorité morale », et à son éventuelle candidature à un troisième mandat? Nul ne peut le prédire.

On retient au moins que l’Eglise catholique est présente, mieux que les partis politiques, dans tous les coins et recoins de la République Démocratique du Congo. A ce titre, elle connaît fort bien ce que pense le Congo profond du, glissement » du second et dernier mandat présidentiel, qui devrait s’achever le lundi 19 décembre 2016. Elle sait combien les Congolaises et Congolais de l’arrière-pays sont déçus par la non tenue des promesses électorales de 2006 et 2011 au plan économique et social. C’est pareil pour les partenaires extérieurs, qui financent chaque année un nombre impressionnant de projets sociaux, dont la surveillance exige des missions régulières de contrôle de leurs représentants en provinces. C’est dire que les Evêques catholiques comme les occidentaux ont une vision claire des attentes du peuple congolais en matière de changement de gouvernance au sommet de l’Etat. D’où, ils redoutent les frustrations qui pourraient découler du passage en force d’un seul camp politique dans la mise en œuvre d’un Accord politique qui parait se placer au-dessus de la Constitution, alors que celle-ci n’est pas encore disqualifiée ni amendée. Les décisions de rapatriement de leurs ressortissants, que viennent de prendre les USA, la Belgique et le Canada, dans la perspective du pire autour du 19 décembre 2016, sont des signes du temps à prendre très au sérieux.

La politique étant pleine de surprise, il faut attendre la suite des événements pour savoir si la porte du dialogue reste encore ouverte entre les pro-Tshisekedi et les pro-Kabila.

Par KIMP

Avec Le Phare

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