RDC: Armand Tungulu ou Kaléïdoscope sur un héros anti-Kabila dans l’hécatombe de l’histoire

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Tout au long de l’histoire de l’humanité, il y a eu des hommes qui ont marqué leur temps suite à des actes courageux et héroïques qui sont restés dans les annales et ont élèvé leurs auteurs au rang des héros.

Ils sont nombreux ces héros des temps modernes qui ont laissé des empreintes en posant des actes que leurs contemporains ont qualifié des gestes fous mais qui sont devenus par la suite des actes héroïques.

Agissant parfois seul ou en groupe, ils ont bravé la peur, les stereotypes et leurs réalités quotidiennes pour atteindre les statuts d’hommes extraordinaires. Ils sont nombreux que nous ne pouvons pas tous les citer car chaque pays en a un ou plusieurs.

En tunisie par exemple, le 17 décembre 2010, après l’immolation par le feu d’un jeune vendeur ambulant de fruits et légumes à Sidi Bouzid, Mohamed Bouazizi, dont la marchandise avait été confisquée par les autorités et à la suite d’une agression physique subie de la part d’une policière Fadia Hamdi, des manifestations ainsi générées ont abouti à la chute du Président Ben Ali et sa fuite vers l’Arabie saoudite le 14 janvier 2011.

En RDC, On trouve aussi des héros et des hommes ou des femmes remarquables qui se sont battus veritablement pour des causes qu’ils ont estimés justes.

On peut citer dans le passé: Kimpa Vita, Simon Kimbangu, etc.

Peu connaissent Ambroise Boimbo (mort en 1989), c’est ancien militaire originaire de Monkoto dans la province de la Tshuapa qui a arraché l’épée de cérémonie du roi Baudouin Ier de Belgique le 29 juin 1960, à Léopoldville (aujourd’hui Kinshasa) à la veille de l’indépendance du Congo belge .

Il y a eu aussi, le discours de Patrice Lumumba, premier ministre et ministre de la Défense nationale de la République du Congo, prononcé lors de la cérémonie de l’Indépendance à Léopoldville le 30 juin 1960 alors qu’il n’était pas programmé par le protocole.

Dont voici un extrait: “…Car cette indépendance du Congo, si elle est proclamée aujourd’hui dans l’entente avec la Belgique, pays ami avec qui nous traitons d’égal à égal, nul Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier cependant que c’est par la lutte qu’elle a été conquise, une lutte de tous les jours, une lutte ardente et idéaliste, une lutte dans laquelle nous n’avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre sang. C’est une lutte qui fut de larmes, de feu et de sang, nous en sommes fiers jusqu’au plus profond de nous-mêmes, car ce fut une lutte noble et juste, une lutte indispensable pour mettre fin à l’humiliant esclavage, qui nous était imposé par la force…”

Lumumba sera renversé puis tué en janvier 1961.

Il y a eu aussi le courage extraordinaire du cardinal Joseph Malula qui s’est opposé de manière extraordinaire au regime sanguinaire du Président Mobutu.

En décembre 1980, 13 parlementaires du parti unique, le Mouvement populaire de la Révolution, publient une lettre ouverte adressée au président Mobutu.

Cette lettre est, depuis le coup d’État militaire du 24 novembre 1965 par lequel le régime Mobutu s’est installé au pouvoir, la toute première contestation non-violente du système politique du Maréchal Mobutu.

La Lettre se termine par dix propositions invitant Mobutu à démocratiser le système politique conformément au Manifeste de la Nsele, document fondateur du MPR qui, dans sa conception, faisait du MPR un parti politique démocratique à côté d’un deuxième parti politique dont la création était prévue à l’article 4 de la Constitution du 24 juin 1967.

Les 13 parlementaires sont rapidement arrêtés et amnistiés par Mobutu peu après. Toutefois, Mobutu décide de leur exil dans leurs provinces respectives et de la déchéance de leur mandat de commissaire du peuple.

À leur retour à Kinshasa en 1981, les signataires sont rejoints par d’autres Zaïrois et l’UDPS est fondée le 15 février 1982, en vertu de la constitution de 1967. En mars 1982, les principaux membres du nouveau parti sont arrêtés et condamnés à 15 ans de prison.

Après la Conférence nationale souveraine de 1991, Étienne Tshisekedi est nommé premier ministre.

Plusieurs cas de bravoure peuvent aussi de nos jours. On peut citer: Rossy Mukendi, Therèse Kapangala et même Chebeya qui ont donné de leurs vies dans des causes nobles contre le regime de Joseph Kabila.

Mais un homme semble aussi se démarquer dans ce lot, son nom est Armand Tungulu.

*Qui est Armand Tungulu et qu’a-t-il fait ?*

Armand Tungulu était un Congolais résidant en Belgique et opposant proche du mouvement Bana Congo, radicalement opposé à Kabila, et membre de l’association Un euro pour sauver le Congo ».

En date du 29 septembre 2010, à Kinshasa, Armand Tungulu avait été mis en état d’arrestation pour avoir lancé des pierres sur le convoi du président de la République démocratique du Congo (RDC) sur l’avenue de [la] Libération, ex 24 novembre, à proximité du marché Comette (3 oct. 2010).

Arrêté, il a été violement battu par la garde présidentielle avant de l’emmener au camp Tshatshi (28 sept. 2011).

Le 2 octobre 2010, le procureur général de la République de la RDC, Floribert Kabange annonçait qu’Armand Tungulu se serait suicidé en détention au camp Tshatshi.

Le Ministre de la communication et porte parole du Gouvernement, Lambert Mende confirme le décés et soutient que monsieur Tungulu « “se serait suicidé” » durant la nuit du 1er au 2 octobre 2010 dans sa cellule.

Une version rejetée par des ONG de défense des droits de la personne.

Aux dires des militants des droits de la personne cités par la BBC, il n’existerait pas d’oreiller dans les prisons congolaises qui aurait pu être utilisé par le prisonnier pour se pendre ou se suicider.

Il faut dire que « Armand » n’a pas bénéficié du droit constitutionnel (article 18-3) reconnu à chaque personne gardée à vue « d’entrer en contact avec sa famille ou avec son conseil ».

Est-ce parce qu’il n’était plus « présentable » suite à des séances de torture? On en saura rien.

*Plusieurs autres arrestations en marge de l’incident*

D’après Radio France internationale (RFI), à la suite de l’interpellation d’Armand Tungulu, environ cinq autres personnes auraient été arrêtées dans le cadre de cette affaire (3 oct. 2010).

Des sources affirment que parmi les personnes arrêtées, il y avait une avocate, Me Nicole Muaka Bondo Muaka ainsi qu’une défenseure des droits de la personne, Mme Madeleine Mangabu le 29 septembre 2010.

Les deux femmes faisaient partie des ONG de défense des droits de la personne Toges noires et Marche mondiale de la femme.

Elles avaient été accusées d’avoir filmé la scène de l’incident entre Armand Tungulu et les membres de la garde présidentielle.

Madeleine Mangabu a été libérée le 4 octobre 2010 alors que Me Nicole Muaka Bondo l’a été le 6 octobre 2010.

*Qu’en est il de la dépouille du supposé suicidé?*

On apprendra que celle-ci a été transférée à l’hôpital général Mama Yemo avant d’être ensevelie le 31 décembre 2010 en un lieu secret.

Le Département d’État américain affirme que selon des médias, malgré la demande de l’épouse d’Armand Tungulu, les autorités congolaises n’ont pas rendu son corps à sa famille.

Le corps d’Armand Tungulu aurait été enterré dans le cimetière de Kinkole, une banlieue de Kinshasa, et ce, sans que sa famille en soit informée (3 janv. 2011).

Le certificat de décès n°700/2862 fut établi à cette dernière date par le médecin légiste Nzuzi Ntula.

Date de décès, illisible. Pas un mot sur le lieu et la cause.

« Veuillez libérer le corps de M. Tungulu Mudiandambu Armand pour inhumation suivant la réquisition n°RMP002 de l’OMP colonel Molisho du parquet de l’auditorat militaire général de l’OPJ colonel Molisho« , peut-on lire. C’est le 22 juillet 2011 que l’avocat bruxellois de la famille Tungulu de Bruxelles, en l’occurrence l’avocat Jean-Claude Ndjakanyi, recevra ce précieux document.

*Et la suite?*

Après la prise de pouvoir de Félix Tshisekedi en 2018 et les espoirs suscités par son mandat, plusieurs ont cru que la lumière sera faite sur ce dossier à l’instar de celui de Rossy Mukendi. Malheureusement rien n’est fait.

Armand Tungulu, cet héros solitaire qui a montré au monde les peurs et les faiblesses de Kabila et de sa garde rapprochée.

Comme David devant Goliath, il a avec des pierres défiaient les véhicules blindés et les mitrailleuses de la farouche garde présidentielle.

Il n’a écouté que son coeur et son amour du pays pour poser ce geste symbolique qui a eu comme conséquence de reveiller l’opposition, les laïcs catholiques pour organiser des marches et manifestations qui ont abouti à l’élection de Félix Tshisekedi à la présidentielle de 2018 et la fin du regne de Kabila.

Si la taille du nez de Cléopatre pouvait changer la face du monde, le geste de Armand Tungulu a reuissi à changer le camp de la peur…Bravo cher patriote.

Dans une intervention samedi 6 février 2021 dans l’émission « Actu Buzz« , « Fabrice », fils biologique de Armand Tungulu a affirmé la volonté de la famille du défunt de saisir les autorités judiciaires.

Pourquoi maintenant, onze années après les faits? Selon lui, il était impossible d’entreprendre une quelconque démarche à l’époque du regime de Joseph Kabila.

« Après la mort de mon père, les « services » ont tenté, sans succès, de m’attirer dans une souricière. La famille a été constamment harcelée. J’ai dû prendre le chemin de l’exil. J’ai regagné le pays après le divorce de la coalition Fcc-Cach« , a déclaré Fabrice.

Depuis, plus rien….Beaucoup d’eau ayant coulé sur le kleenex, Armand Tungulu continuera à vivre dans le coeur de ceux qui n’ont de patrie que la RDCongo.

Bishop Mfundu

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