RDC, Dialogue : l’UDPS se rétracte, la Majorité réplique

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KabilaEtTshisekedi

Mise aux abois par la rétractation de l’UDPS, la MP a voulu se donner bonne conscience en organisant hier mercredi, une double sortie médiatique. A l’attaque, le Procureur général de la République et le porte-parole du gouvernement. Cette réplique indique que la complicité entre les deux parties n‘aura été que de courte durée. Du coup, l’équation se corse. Est-ce que la MP peut prendre le risque de s’engager dans un dialogue politique sans l’UDPS et Etienne Tshisekedi?

Le dialogue, voulu par le chef de l’Etat Joseph Kabila, n’est pas totalement acquis. Pour cause, son message du 28 novembre 2015, suivi de l’ordonnance présidentielle du 30 novembre 2015, qui ont pratiquement semé le doute dans les rangs de son principal allié au dialogue, à savoir l’UDPS d’Etienne Tshisekedi.

Le déplacement à Luanda (Angola) du secrétaire national de l’UDPS chargé des relations extérieures, Félix Tshisekedi, n’a pas résolu l’équation. Bien au contraire, il l’a compliquée davantage. Car, le 1er décembre 2015 depuis Bruxelles (Belgique), son lieu de convalescence, Etienne Tshisekedi, président de l’UDPS, a décliné formellement l’invitation de Kabila. Dans le communiqué diffusé par ses services, Etienne Tshisekedi dit ne pas être prêt à assister à un dialogue dans le format fixé par Kabila aux termes de son ordonnance du 30 novembre 2015. « L’UDPS ne se sent pas concernée par le dialogue convoqué par M. Kabila », a écrit mot à mot Etienne Tshisekedi dans son message.

 

Dans la Majorité, les réactions ne se sont pas fait attendre. Le Procureur général de la République (PGR), censé jouir d’une certaine indépendance par rapport ‘au pouvoir politique, a été le premier à sortir du bois en menaçant de traduire en justice quiconque se mettrait au travers de la voie du dialogue national. Selon lui, l’on serait en train de faire « une lecture biaisée » de l’article 64. Il a recommandé avec instance de « lire et relire » l’alinéa 2 du même article.

 

Faisant suite à cette intervention qui a laissé l’opinion pantoise, le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, est monté, lui aussi, au créneau. Il s’est chargé de recadrer tous ceux qui, de part et d’autre, s’opposent à la vision tracée par le chef de l’Etat. Et, comme on pouvait s’y attendre, Mende s’est occupé « personnellement » et particulièrement de l’UDPS, dont les dernières déclarations, selon lui, renferment « quelques contradictions ».

 

Qu’un cadre de la Majorité s’attaque aussi ouvertement à l’UDPS, il y a bien des raisons de s’interroger.

Bien sûr, dans sa conférence de presse de mercredi, la Majorité au pouvoir a montré des signes de faiblesse, mais aussi d’énervement. Elle s’est efforcée, à travers le porte-parole du gouvernement, de se défendre, sans pour autant convaincre.

 

La raison est simple la volte-face de Tshisekedi a fait mal, tellement que la MP ne pouvait pas se retenir longtemps. Elle qui croyait avoir pris dans les mailles de son filet un gros poisson dans son projet de dialogue politique ne pouvait pas s’imaginer un seul instant que l’UDPS se détournerait promptement des engagements pris en pré-dialogue avec les émissaires de Kabila. Aujourd’hui, les deux parties sont rattrapées le cas d’interprétation unilatérale ou sélective de ces arrangements.

 

Lambert Mende ne s’en est d’ailleurs pas caché. Il dit avoir été surpris par la réaction de l’UDPS « Nous avons pris connaissance, comme vous tous, de dernières déclarations de nos compatriotes de l’UDPS/Tshisekedi, le premier parti de l’opposition parlementaire au sujet du Dialogue politique inclusif convoqué par le chef de l’Etat. On y décèle quelques contradictions ». Mercredi devant la presse, Mende a eu du mal à se contenir. Il était à la fois dépité et désemparé, donnant l’impression que la MP se sentait trahie. Toutefois, il n’a pas lâché le morceau concernant un deal qui aurait lié les deux parties au cours des tractations relatives à la tenue du dialogue.

 

Comme un lion blessé, Lambert Mende a dès lors déployé la grande artillerie contré l’UDPS, oubliant Tshisekedi et son parti étaient ce tronc d’arbre sur lequel le chef de l’Etat pensait s’appuyer pour légitimer le dialogue. Là où il affirme qu’en convoquant le dialogue, Joseph Kabila agissait dans les prérogatives lui reconnues par la Constitution, l’UDPS prend le contrepied et dénie à ce dernier la qualité de le faire. Là est lancée une bataille procédurale dont on ne connaît pas l’issue.

 

« Il n’est pas approprié d’affirmer qu’en convoquant le Dialogue politique inclusif, le président de la République serait à la fois +juge et partie+ », a affirmé Mende, rappelant que « le dialogue n’est pas un tribunal et n’a pas pour fonction de juger ou condamner qui que ce soit parce qu’il ne poursuit que l’objectif de créer les conditions les meilleures pour le passage à la prochaine législature ».

 

Lorsque l’UDPS ne reconnaît pas à Kabila le droit de convoquer le dialogue, Mende réplique : « On peut également poser à ceux qui contestent au président de la République le droit de convoquer le dialogue politique national la question de savoir pourquoi ils ne convoquent pas eux-mêmes s’ils en ont le moindre pouvoir ». Et d’enfoncer le clou « On peut se demander de quel droit un membre du parti de Tshisekedi Interdirait au président de la République en exercice de définir les objectifs à assigner au dialogue comme l’a fait le responsable de ce parti de l’opposition ».

 

LA FIN D’UNE ALLIANCE CONTRE NATURE

 

Si entre l’UDPS et la Majorité, ce n’est pas le divorce, il y a de bonnes raisons de dire qu’on n’est plus loin de la rupture. Or dans la voie vers le dialogue, l’UDPS est considérée comme le dernier rempart pour garantir la crédibilité et la légitimité de ce forum. Le communiqué du 1er décembre 2015 a pratiquement désorienté toutes les prédictions de la MP. Des sources internes rapportent que certains cadres de la MP ont eu du mal à contenir leurs émotions. « Avec ou sans l’UDPS, nous tiendrons notre dialogue ». Une position que Lambert Mende a nuancée.

 

La question qui se pose avec acuité est la suivante : la MP peut-elle se risquer à organiser un dialogue sans l’UDPS ? A première vue, ça paraît invraisemblable. Mais, dans ses rangs, des caciques sont prêts à tenter le tout pour le tout. Pourvu que l’autorité morale, Joseph Kabila, s’en tire en 2016 à bon compte.

 

Sur papier, l’équation paraît facilement soluble. C’est sans compter avec des impondérables qui se comptent en grand nombre sur le terrain. Encore et toujours, la population reste cette grande inconnue que ni l’UDPS ni la MP ne peut prétendre détenir le plein contrôle. Comme en janvier 2015, tout peut arriver. L’UDPS le sait Raison pour laquelle elle s’est rétractée, avant une sanction populaire.

 

Aujourd’hui, la Majorité est aux abois. Tous les signaux légitiment cette thèse. Elle est devant un dilemme. Persister dans la voie du dialogue, sans partenaire politique qui compte de l’autre côté serait une stratégie contreproductive. A moins que l’on veuille rééditer les concertations nationales de 2013 dont les résultats sont restés mitigés au point de rendre impératif le dialogue aujourd’hui.

 

La MP peut-elle rebondir autrement ? C’est peu probable. Pour un processus électoral apaisé, le schéma idéal est de mettre la Ceni à l’abri de toute pression politique, en faisant un organe véritablement indépendant. Une question en appelant une autre, comment peut-on garantir un dialogue politique sincère et honnête ? C’est là tout le problème.

Par LE POTENTIEL

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