RDC: Jean Claude Muyambo : « Kabila doit céder le pouvoir le 19 décembre 2016 »

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muyambo parle

 

Ancien bâtonnier du barreau de Lubumbashi, au Katanga, ancien ministre des Affaires humanitaires et sociales (2007-2008), Jean-Claude Muyambo Kyassa (JCMK), président de SCODE (Solidarité congolaise pour la démocratie et le développement) vient de séjourner dans plusieurs pays d’Europe. C’est la première fois que cet acteur politique sorte du pays après ses « coups de gueule ». Le 30 août dernier, «JCMK», dont la formation politique appartenait encore à la majorité présidentielle, créait l’événement en annonçant l’opposition de son parti à la révision constitutionnelle claironnée par des caciques du parti présidentiel, le PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie). Le 15 novembre, Muyambo a annoncé la rupture avec la mouvance kabiliste suite à un voyage interdit à Mbuji-Mayi, au Kasaï Oriental. Dans l’interview accordée à Congo Indépendant, « JCMK » se veut catégorique : «Monsieur Kabila doit céder le pouvoir le 19 décembre 2016 comme l’exige la Constitution. Dans le cas contraire, ce sera le chaos total !».

Quel est le but de votre séjour en Europe ?

Je suis venu prendre contact avec mes «partenaires». C’est l’occasion pour moi de leur expliquer les motivations qui conduit notre formation politique à quitter la majorité présidentielle pour rejoindre l’opposition. Je profite de mon séjour pour accomplir quelques démarches à caractère professionnel.

Qui sont ces « partenaires » que vous avez pu rencontrer?

Je ne tiens pas à en dire plus. Pour l’essentiel, j’ai eu, partout où je suis passé, des entretiens très fructueux. L’Afrique du Sud a été le point de départ de ma tournée. J’ai sensibilisé mes interlocuteurs sud-africains sur l’obligation que la Constitution congolaise impose à Monsieur Kabila de céder le pouvoir en décembre 2016. J’ai ajouté : « S’il ne cède pas le pouvoir, conformément à la Charte fondamentale, ce sera le chaos total ». Ce chaos ne profitera à personne. Et surtout pas aux investisseurs sud-africains qui ont placé des capitaux dans notre pays. Leurs avoirs risquent de partir en fumée. A mes interlocuteurs, j’ai insisté sur le fait qu’il est grand temps pour Monsieur Kabila – que nous avons élu en 2006 et 2011 – de comprendre que les Congolais tiennent à l’avènement de l’alternance démocratique en 2016.

Que répondez-vous aux partisans de « Joseph Kabila » qui arguent que celui-ci a besoin d’un autre mandat «pour parachever son programme» ?

Le Congo-Kinshasa n’a pas commencé avec M. Kabila. Il va sans dire que Kabila ne réalisera jamais tous les projets que nous avons dans notre pays. Sous d’autres cieux, on a vu des chefs d’Etat se soumettre à l’alternance avant de revenir plus tard…

Quelle a été la motivation profonde qui vous a poussé à clamer votre opposition à la révision constitutionnelle ?

Il faut connaître mon parcours pour la comprendre. Avant de me lancer dans la politique active, j’étais un défenseur des droits de l’Homme. J’ai eu à travailler pour le Centre des droits de l’Homme et de droits humanitaires. Cette expérience a forgé ma personnalité. Pour votre information, Jean Mbuyu Luyongola (Ndlr : ancien conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de sécurité) assumait les fonctions de directeur. J’étais son adjoint avant de lui succéder. A l’époque, l’actuel ambassadeur à Bruxelles, Henri Mova Sakanyi, évoluait dans l’Azadho (Asadho). J’ai travaillé avec Floribert Chebeya, le regretté directeur de « La Voix des Sans Voix pour les droits de l’Homme ».

Revenons à la cause profonde de votre opposition à la révision constitutionnelle…

Après avoir milité pour la défense des droits humains, j’ai repris ma profession d’avocat. Celle-ci a coïncidé avec le retour d’exil de Moïse Katumbi. C’était au début de l’an 2000. Nous étions tout le temps ensemble jusqu’au moment où
«Moïse» va adhérer au PPRD. C’est à partir de ce moment que je mettrai sur pieds une association dénommée «Solidarité katangaise». Ce groupement devait non seulement rassembler les membres de toutes les communautés mais aussi éveiller la conscience de la population. Il s’agissait de promouvoir une vie collective harmonieuse entre les différentes ethnies. C’est à partir de ce moment que mes ennuis ont commencé avec le Pouvoir. Voilà pourquoi, j’ai fini par me lancer dans la politique en devenant en 2004 député durant le régime de transition dit «1+4». Lors des législatives de 2006, j’ai été élu député national. Au Katanga, j’ai été élu député provincial. Vital Kamerhe a été la personne qui va me parler de Joseph Kabila. Lors de l’élection présidentielle de 2006, je soutenais Pierre Pay Pay au premier tour. Au deuxième tour, j’avais à choisir entre Joseph Kabila et Jean-Pierre Bemba.

Vous rejoignez donc « Joseph Kabila »…

Effectivement ! Un soir, au moment où je m’apprêtais à rentrer à Lubumbashi, feu Guillaume Samba Kaputo que j’ai eu au téléphone me dit : «Tu ne rentres pas à Lubumbashi puisque tu vas entrer dans le gouvernement». D’où la création du parti « Scode ». C’est à partir de ce moment qu’a été lancé l’ »Alliance de la majorité présidentielle » (AMP). Lors de la présidentielle de 2006, sur le 18 millions de votants, Joseph Kabila n’obtiendra que 8 millions de voix. On peut en déduire qu’il y avait déjà presque 60% de la population qui n’était plus en phase avec lui. Contre toute attente, avant la présidentielle du 28 novembre 2011, l’AMP devient « MP » (majorité présidentielle). Derrière ce changement de dénomination se profilait l’idée de bâtir un grand mouvement politique à l’image de l’UMP (Union pour un Mouvement Populaire) en France. Les présidents des partis politiques y ont opposé une fin de non-recevoir. A partir de 2013, on a commencé à entendre ici et là que la « MP » voulait faire modifier la Constitution. Objectif : permettre à M. Kabila de briguer un troisième mandat. C’est ici que notre formation politique a fait savoir que lors de la constitution de l’AMP-MP, il n’a jamais été question d’agir dans ce sens pour que l’actuel Président postule pour un troisième terme. Voilà pourquoi nous avons décidé de faire entendre notre voix…

On reproche souvent aux hommes politiques congolais un double discours. L’un, truffé des principes généreux sur la démocratie, l’Etat de droit et le respect des droits de l’Homme, tant que l’acteur milite dans les rangs de l’opposition. L’autre, conformiste voire conservateur, dès que l’ancien opposant accède au pouvoir. Auriez-vous crié votre opposition à la révision constitutionnelle si vous étiez encore aux affaires, c’est-à-dire ministre ?

Absolument! Le pouvoir pour le pouvoir n’a jamais été une finalité pour moi. Sans entrer dans les détails, je peux vous assurer que je n’ai pas manqué de recevoir des «propositions» pour me ramener au « bercail ». Ma réponse a été simple : « C’est trop tard ! ».

Sur décision du ministre des Médias Lambert Mende, le signal de votre média « Radio-Télévision Lubumbashi JUA» (RTLJ) est interrompu depuis plusieurs semaines. Y a-t-il, selon vous, une relation de cause à effet ?

Bien entendu ! Mende confond « JUA » avec la personne de Muyambo. Je suis sûr d’une chose : tôt ou tard, ce média reprendra la diffusion de ses émissions. Le pouvoir a tort de croire que ce genre de tracasseries peut ébranler notre détermination. En attendant, les 62 pères et mères de famille qui travaillent dans l’entreprise « JUA » sont privés de leur gagne-pain. C’est tout simplement inhumain ! J’ai, en ce qui me concerne, une autre conception du pouvoir.

Annoncé le 23 octobre 2013 par « Joseph Kabila », le gouvernement dit de « cohésion nationale » a été nommé le dimanche 7 décembre? Quel est votre commentaire?

Il n’y a rien de sérieux! Le même Premier ministre a été reconduit. Celui-ci aime claironner les mots tels que la « croissance macro-économique ». Je me demande si son maintien découle de la répétition de ces termes qui sonnent bien à l’oreille. Cette croissance macro-économique est une vaste supercherie. Un mensonge. Je cherche en vain où se trouve la croissance au moment où les gens, aux quatre coins du pays, « mangent par délestage ». On ne peut continuellement se moquer d’un peuple. Il y a au Nord Katanga des contrées où la population ne trouve plus de sel depuis des mois. Il en est de même du savon…

Et la « cohésion nationale »?

Peut-on franchement parler de la cohésion nationale tout en débauchant des membres d’autres partis? Ma réponse est : non! M. Kabila doit se mettre en tête qu’il doit y avoir une passation de pouvoir le 19 décembre 2016, entre un Président entrant et un Président sortant.

Sinon?

C’est le chaos total…
Propos recueillis à Bruxelles par Baudouin Amba wetshi

Source : Congo Nouveau

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