Sur le dialogue et l’organisation des élections en RDC, le Président Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi, Chef de file de l’Opposition investi à Genval, ne partagent forcément pas la même perception. Les discours prononcés à l’occasion du 56ème anniversaire de l’indépendance du pays, par les deux personnalités, ont fini de dissiper le doute là-dessus. Quand Joseph Kabila, depuis Kindu, invite le Facilitateur Edem Kodjo à lancer, au plus vite, les travaux du dialogue politique selon le modèle défini dans l’Ordonnance du 28 novembre 2015; Etienne Tshisekedi n’entrevoit aucune discussion avec le pouvoir en place à Kinshasa si ce n’est dans le respect de l’esprit et de la lettre de la Résolution 2277 du Conseil de Sécurité de l’ONU, dont le contenu a été repris dans la Résolution 2293.
Dialogue plombé
Chaque camp compte ses soutiens. Jeudi 30 juin dernier, à Kinshasa, un groupe de politiciens se réclamant de l’Opposition pro-dialogue a publié une déclaration d’adhésion à un dialogue ayant pour soubassement l’ordonnance présidentielle du 28 novembre 2016. Cependant, l’Opposition pro-dialogue part avec un sérieux handicap. La Facilitation internationale ne reconnaît pas en ses animateurs, le statut d’opposants. Par contre, Etienne Tshisekedi avec le Rassemblement de Genval, allusion faite, ici, au Conclave des opposants congolais tenu au mois de juin 2016, en terre bruxelloise, a reçu de la Facilitation, la paternité de la liste de l’Opposition au dialogue. La démarche d’Edem Kodjo se complique davantage dès lors que Genval a remis à la surface, un certain nombre d’exigences. On pense, ici, à la mise sur pied d’un Panel de facilitateurs internationaux notamment, de l’ONU, l’UE, OIF, de la SADC et de la CIRGL pour accompagner Edem Kodjo dans l’exécution de sa mission. Une décision, en ce sens, a été prise, à l’unanimité, par quatre organisations internationales que sont l’Union Africaine, l’Union Européenne, l’ONU et l’OIF, dernièrement à Addis-Abeba. Etienne Tshisekedi, pour le compte du nouveau Rassemblement politique qui s’est créé autour de lui, demande, entre autres, la libération des prisonniers politiques et d’opinion qui seraient, selon lui, détenus dans les différents centres pénitentiaires du pays. C’est pour faire avancer les choses que le Facilitateur Edem Kodjo vient de prendre l’avion à destination de la capitale éthiopienne, siège de l’Union Africaine. L’on espère qu’il rentrera, à Kinshasa, avec de nouvelles directives. Des supputations, pendant ce temps, vont bon train tant dans la haute ville que dans les rues de Kinshasa. Pour certains, Edem Kodjo serait amené à se dédire en organisant un dialogue sans la participation de l’Opposition tshisekediste. Auquel cas, ce serait un bis repetita des Concertations nationales non inclusives de 2013.
Le processus électoral toujours bloqué
On aurait cru, avec l’annonce du début des opérations d’enrôlement des électeurs à la fin de ce mois de juillet, que le processus électoral avait, finalement, été débloqué. Etienne Tshisekedi a déjà prévenu que le Rassemblement des Forces Politiques et Sociales Acquises au Changement n’accepterait pas une parodie d’enrôlement des électeurs aussi longtemps que la CENI et la Cour Constitutionnelle resteraient, selon ses propres termes, inféodées au pouvoir. On sent que le débat évolue. Il n’est plus question, côté pouvoir, de réviser le fichier électoral de 2011. On veut carrément établir de nouvelles listes électorales. Autrement dit, le pays n’a presque plus de fichier électoral. Déjà, la RDC n’avait plus de calendrier électoral depuis septembre 2015, alors que les candidats députés provinciaux avaient versé la caution financière et s’apprêtaient à en découdre un mois plus tard, le 25 octobre. Saisie par la CENI en interprétation de la loi de programmation d’installation de nouvelles provinces, à la suite du retard accumulé dans l’élection des bureaux définitifs des Assemblées provinciales et l’adoption de leurs Règlements intérieurs, la Cour Constitutionnelle avait rendu, le 8 septembre 2015, un arrêt pour ajourner le calendrier électoral global.
Or, sans calendrier électoral et sans fichier électoral, il est difficile d’affirmer que le processus électoral avance de manière à organiser les élections dans le délai constitutionnel.
Qui perd, qui gagne ?
Si la CENI ne fait pas mystère de son incapacité à organiser des élections dans le délai, elle donne l’impression de s’enliser dans un processus dont on a du mal à voir le bout du tunnel. Dans cet environnement politique aussi incertain, ceux qui tirent profit des institutions, militent, désormais, activement pour la continuité. Il y a, en effet, un arrêt de la Cour Constitutionnelle qui garantit une fin de mandat tranquille aux animateurs actuels des Institutions de la République. Parallèlement, la CENCO, dans une déclaration publiée récemment, a demandé au peuple congolais de s’opposer au glissement. Etienne Tshisekedi ambitionne ouvertement de prendre la tête de la transition, au cas où l’élection présidentielle n’avait pas lieu comme prévu. L’Assemblée parlementaire ACP-UE a pris une résolution, le 15 juin dernier, exigeant la démission du Président à la date du 20 décembre 2016. Les USA mènent la fronde internationale en termes de ‘’sanctions ciblées’’ contre les autorités congolaises dont la liste n’est pas connue, à l’exception, bien sûr, du Général Célestin Kanyama. Obama envisagerait, dans son élan au goût aigre, est allé jusqu’à préconiser des sanctions contre les dignitaires du régime réfractaires au principe de l’alternance démocratique en Afrique. Plus les jours passent, mieux les positions se radicalisent. Aux grands maux, de grands remèdes, dit-on. Les politiciens sont invités à se surpasser pour ne privilégier que l’intérêt supérieur de la Nation congolaise. La logique de la confrontation dont le décor est déjà planté, plongera inutilement le pays dans un chaos inconsidéré. D’ailleurs, dans un tel jeu, ce sont les congolais, dans leur majorité, qui en paieront les frais.
Un article de La Prospérité
Bien d’acteurs politiques congolais ne se voilent plus la face pour dire, à qui veut les entendre, que les élections ne peuvent plus être organisées cette année. Cependant les approches et les attentes des uns et des autres produisent une telle cacophonie d’approches qui laissent le peuple congolais pantelant et perplexe.
Va-t-il falloir comme l’exigent les opposants radicaux que Joseph Kabila quitte le pouvoir dès le 20 décembre 2016 si les élections ne sont pas organisées et laisser la direction du pays au président du Sénat ? Faudra-t-il en venir à la logique que l’UDPS essaye de propager et de faire adopter au peuple et qui consiste en une transition durant laquelle Etienne Tshisekedi dirigerait le pays jusqu’aux nouvelles élections ? Une logique qui fait table rase de l’actuelle majorité au pouvoir.
Bref, trop d’analyses et de bruits envahissent le champ politique et y déterminent une cacophonie qui laisse transparaître la volonté des opposants de briguer le plus vite possible le pouvoir en écartant du pouvoir l’actuelle majorité dirigeante. En plus, il y a l’ingérence et les diktats étrangers, de l’Occident notamment, tel un lion qui rugit face à sa proie, qui exige, sans autre forme de procès, que les élections soient organisées cette année sinon le chaos va en découler. Un chaos dont il est l’instigateur occulte de par ses diktats et son coaching des opposants qui promettent des étincelles à l’actuel pouvoir s’il n’organise pas les élections cette année. Dans son intervention, mieux son intrusion, dans la politique congolaise, l’Occident ne donne curieusement pas des moyens conséquents pour la tenue des élections législatives et présidentielle cette année, exige le respect de la Constitution tout en ignorant ou en rejetant les implications de l’article 70 de la Constitution ainsi que les attributions et prérogatives de la Cour constitutionnelle en fait d’interprétation des articles de la Constitution congolaise.
L’épouvantail des sanctions ou du chaos possibles
Il est présenté par l’Occident ainsi que toutes les structures politiques et civiles pro-occidentales. Si le pouvoir congolais n’organise pas les élections visées par eux au prétexte que la Constitution en parle explicitement et expressément comme si seules ces deux élections tramaient la démocratie, les sanctions sont au bout de la perspective du chemin de ses membres. Alors que des entraves vraies rendent impossible la tenue de la présidentielle et des législatives cette année, on se demande ce que veulent au fond les Occidentaux qui exigent la tenue de ces élections cette année sans pour autant offrir les moyens conséquents. Les analystes privilégient l’hypothèse de la quête de l’alibi pour recourir à la manière forte d’évincer Joseph Kabila de la magistrature suprême parce que jugé réfractaire à leurs impositions diverses. Si les élections sont organisées, l’Occident sait comment les faire gagner par leur marionnette, que la plus part d’observateurs disent être Moïse Katumbi, afin qu’il ait le contrôle de la RDC pour y réaliser tous ses objectifs, du reste déjà notoires.
UDPS et les autres opposants n’ont pas au fond la même analyse
Malgré la tenue du conclave Genval dont les résolutions ne mettent pas tous ses participants d’accord, l’UDPS et les structures politiques d’appui à Moïse Katumbi n’ont pas la même optique du proche avenir de la RDC. Quand celles-ci n’exigent que les élections pour que leur leader les gagne afin d’occuper la magistrature suprême, l’UDPS caresse d’autres chimères. Pour plusieurs analystes, le divorce en fait du dialogue a été consommé entre l’UDPS et la Majorité Présidentielle, MP, parce que celle-ci n’a pas accédé aux demandes de celle-là. En exigeant un dialogue selon l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, l’UDPS croyait que son leader aurait enfin l’impérium tant convoité à l’issue des discussions. Ayant peu à peu acquis la certitude, après l’écoulement du temps de même que moult rencontres et discussions entre les délégués de l’UDPS et ceux de la MP, que telle chose n’était pas possible, l’UDPS a cru bien agir en s’impliquant dans l’initiative du conclave de Genval qui ne lui a, au fond, donné que très de satisfaction. Selon les observateurs, l’UDPS caresse le rêve d’une transition durant laquelle Etienne Tshisekedi devrait être le magistrat suprême de la RDC. En vertu de quel principe démocratique ou constitutionnel, se demande-t-on dans ce constat du manque de réalisme politique de la part de l’UDPS. Ce parti politique croit encore, sans l’avouer publiquement qu’il est possible que son leader occupe, même pour une brève durée, la tête du pays et ose se réjouir de la perspective d’y parvenir comme les élections ne vont pas avoir lieu cette année. UDPS conduit peu à peu l’opinion congolaise vers son optique des choses en battant campagne pour porter les gens à réaliser que la tenue des élections est impossible cette année.
En somme, trois approches pour le proche avenir de la RDC. Celui de la MP qui s’en tient à l’article 70 ainsi qu’à l’interprétation que la Cour constitutionnelle en a fait pour que l’actuel Raïs congolais quoiqu’en fin mandat après le 19 décembre reste en fonction jusqu’à l’installation du nouveau président élu. Pour la MP, la gérance de la période post-19 décembre est à diriger de manière consensuelle avec Joseph Kabila à la tête de la RDC jusqu’aux élections dont le calendrier doit être déterminé par le même dialogue. L’approche de l’UDPS veut qu’il y ait une transition, peu importe sa durée, qui sera chapotée par Etienne Tshisekedi en vertu de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba. Enfin, les plateformes politiques et les ONGDH recrutées par les Occidentaux privilégient et exigent la tenue des élections le plus vite possible pour que l’oiseau choisi par les Occidentaux passe chef de l’Etat congolais avec la bénédiction et les manigances occidentales. Cet oiseau aura pour mission, à l’opposé de ce que l’Occident a connu avec les présidents Kabila, père et fils, de lui permettre de satisfaire toutes ses volontés en RDC.
Les trois principales approches ne doivent cependant pas occulter celle d’autres acteurs politiques de l’opposition dite républicaine ou nationaliste, accusée de jouer le jeu de la MP. Cette dernière catégorie des opposants est consciente des interférences néocolonialistes sur la politique congolaise et s’inscrit dans la logique du dialogue pour trouver des solutions consensuelles aux vrais obstacles liés à la tenue des élections cette année, sans porter préjudice aux acquis chers du pays. C’est sur ce point qu’ils partagent la même analyse avec la MP au point qu’on les en accuse de jouer son jeu.
Etienne Tshisekedi est au four et au moulin à cause de son moi qui le pousse à coûte que coûte vouloir occuper la présidence du Congo avant sa mort. Sa famille biologique est accusée de vouloir tirer profit du parcours et du poids politiques du sphinx avant sa mort et le pousse à tenter le tout pour le tout afin d’atteindre cette finalité. Néanmoins, la MP n’a jamais dit que les élections ne seront pas organisées et qu’il n’y aura pas alternance, pourquoi ne pas aller au dialogue pour éviter tout trouble à la RDC après le 19 décembre à minuit à cause des pièges du moi, de l’égocentrisme des politiques congolais et de la seule considération des intérêts des impérialistes ?
Samy BOSONGO , Journaliste Poète-essayiste, +243811530303, +243901020043