C’est le ministère de la culture, art et patrimoine qui a annoncé la nouvelle, le jeudi 7 avril, de l’acquisition officielle, par achat, de la résidence de l’artiste musicien, le feu Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba, dit Papa Wemba.
La signature de l’acte de vente et la remise du titre de propriété ont été effectuées au cabinet ministériel avec la veuve, Mme Marie Rose Luzolo surnommée Mère Amazone.
Depuis près de 3 ans, la villa du défunt patron de “Viva La Musica”, située dans la commune de Ngaliema à Kinshasa, avait été mise en vente par sa succession, au prix de 750 000 USD.
Ce rachat fait suite aux recommandations du Président de la République, lors de la 35ème réunion du Conseil des ministres du gouvernement Ilunkamba, tenu le 12 juin 2020.
Le Président de la République Félix Tshisekedi avait alors instruit le ministre de la Culture et des arts de l’époque d’examiner cette possibilité dans un bref délai.
Le gouvernement congolais compte y ériger un musée où devait être installé, entre autres, un studio d’enregistrement en mémoire de ce grand artiste de la musique congolaise.
Pour rappel, le chanteur congolais Papa Wemba est décédé le 24 avril 2016 à Abidjan, en Côte d’Ivoire où il participait au Festival des Musiques Urbaines d’Anoumabo (Femua).
Papa Wemba, une vie consacrée à la musique
Musicien à succès, Papa Wemba, né Jules Shungu Wembadio, est l’une des grandes figures de la musique congolaise.
Il aura vécu presque toute sa vie comme musicien.
Né en 1949, Vieux Bokoul, ainsi qu’aimaient l’appeler ses fans, se lance dans la musique à l’âge de vingt ans.
Dans son « Dictionnaire des immortels de la musique congolaise moderne », Jean-Pierre François Nimy Nzonga soutient que la maman de Papa Wemba, pleureuse de profession, peut être considérée comme l’élément détonateur de sa vocation musicale. Le jeune Shungu accompagnait sa mère à ses prestations. Le papa, ancien soldat de la Force publique, est un chasseur.
Le même ouvrage note que Shungu Wembadio n’a que 20 ans lorsqu’il intègre l’orchestre de Stukas boys où il compose sa première chanson inédite « Madrigal ».
La même année, 1969, il participe à la création de Zaïko, l’un des plus grands groupes musicaux de la RDC. Il y signe ses premiers gros succès (« Pauline », « Chouchouna », « Liwa ya somo », Amoureux déçu ») et prend le surnom de Papa Wemba.
Il quitte le groupe cinq ans plus tard et forme avec quelques camarades le groupe « Isifi Lokole » où il compose la chanson « Amazone », du nom de son épouse.
« Viva La Musica »
Après un éphémère passage dans le groupe « Yoka Lokole », il fonde son propre groupe « Viva La Musica » en 1977.
Selon Jean-Pierre François Nimy, le chanteur devient alors « l’archétype du Kinois à la mode ». Il invente le « Village Molokaï ».
Les lettres qui constituent ce nom (Molokai) sont en fait les initiales des rues du quartier de Matonge où Papa Wemba a grandi (Masimanimba, Oshwe, Lokolama, Kandakanda et Inzia).
Wemba se fait introniser « chef coutumier ». Il multiplie des sobriquets comme « Kuru Yaka », « Vieux Bokul », « Maitre d’école ».
Il impose aussi un style vestimentaire, une allure générale qui caractérise les « sapeurs » : coiffure et habillement sophistiqués, goût effrené pour les vêtements de haute couture portant la griffe de maisons de mode. Toujours ”bien sapé, bien rasé et bien parfumé”.
Plusieurs grands noms de la musique congolaise ont évolué aux côtés de Papa Wemba. Parmi eux, King Kester Emeneya, décédé en 2014, Koffi Olomide, patron de l’orchestre Quartier Latin, Fafa de Molokai, Djuna Djanana, Reddy Amisi, Stino Mubi, Awilo Longomba, Lidjo Kuempa, Luciana Demingongo, etc.
Jean-Pierre François Nimy Nzonga note en outre qu’à partir de l’an 2 000, une brillante carrière internationale solidifie le succès de l’artiste.
Mais une sombre affaire vient ternir ce succès. Des tribunaux français et belges établissent l’existence entre 2001 et 2003 de vastes filières d’immigration clandestine des faux musiciens qui, depuis la RDC, s’acquittent envers Papa Wemba d’une somme de 3 500 dollars américains par personne. Le dossier est connu en RDC sous le nom d’affaire « Ngulu » (cochon en lingala).
Le chanteur est incarcéré après une enquête de deux ans (2002-2004). Le tribunal correctionnel de Bobigny le condamne à trente mois de prison, dont quatre fermes déjà purgés en 2003, et 10 000 euros d’amende pour « aide au séjour irrégulier de clandestins sous couvert de ses activités musicales ».
Bishop Mfundu