Tribune : LA “KABILITE” OU VIRUS ANTI-FATSHI (Symphorien Kakonde)

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On ne comprendra peut-être pas pourquoi le nom de Kabila revient sur toutes les lèvres alors que monsieur Kanambe « repose de son dur labeur ». Tout ce que touche Felix Tshisekedi sent l’odeur de Joseph Kabila pour certains des congolais.

Malheureusement, pas tout, parce que quand le président de la République libère les prisonniers ou libéralise les manifestations politiques qui, selon certains congolais, ressemblent désormais à la campagne d’évangélisation, ou lorsque monsieur l’Etat des droits ferme les cachots parasites conformément à ses promesses de campagne, ses accusateurs, au lieu de commenter, font semblant de somnoler.

On pourrait tout de suite dire que les accusateurs de Fatshi sont de mauvais cœur, ils baignent dans la haine tribale ou politique, etc. Toutefois, il faut une sorte d’autopsie de l’imaginaire collectif pour mesurer la température d’intelligence et comprendre le pourquoi de ce jugement ; les raisons sont plus profondes qu’elles ne le paraissent. La plus importante est Kabila lui-même.

1. Un homme inconnu qui sait se faire haïr.

Aux premiers jours de l’an 2001, les congolais découvrent un jeune homme qui prendra le nom de Joseph Kabila lorsqu’il sera désigné président de la République par un groupe d’individus, en marge de toutes les lois possibles. L’homme qui survient à la tête de l’Etat, on ne sait par quelle magie, est trop loin de faire l’unanimité parce que personne ne le connaît ni ne se reconnaît en lui. Chemin faisant, avec tous les conciliabules qu’on connaît, on aboutit à sa légitimation, puis à l’élection des élections à l’issue desquelles il s’octroie deux fois le mandat à la présidence de la république.

Mais il y a ce qu’on ne pardonnera pas à Joseph Kabila, c’est ses tentatives de s’éterniser au pouvoir. Entouré par son conglomérat des thuriféraires profiteurs devenus esclaves d’un homme, celui qui pensait que 10 ans valaient l’éternité, cherche par tous les moyens à s’accrocher au premier fauteuil.

Mais les tensions internes et externes le contraignent à rendre le tablier à l’issue d’une peine horrible expérimentée par le peuple congolais. Une situation sociale décadente, des tueries, des emprisonnements injustes, exil, et même des massacres à tous les échelons, plongent les congolais dans la terreur et la paupérisation.

Je n’oublierai pas cette tentative de décimer tout un peuple à Nganza dans la ville de Kananga. Des massacres pour lesquels j’ai publié Le courage d’être congolais. Quand le sang des massacrés du Kassaï réclame justice (2018). Brochure dans laquelle je célèbre les tueries cruelles de mes amis et parentés dans leurs maisons, certains en plein sommeil, par les militaires FARDC en marge de la guerre dite de Kamuina Nsapu, jetant ainsi les misérables frères et sœurs à la pourriture dans la solitude des vallons de ma terre natale, sans deuil ni sépulture. Autant de crimes pour lesquels le sénateur à vie devra répondre tôt ou tard.

On pourrait dire que Kabila a vécu totalement dans l’indifférence des préoccupations du peuple congolais. Mais plus encore dans la minimisation de sa dignité et de sa valeur. Plusieurs tueries et les milliers de groupes armés ont vu le jour sous son règne sans qu’il ne fasse absolument rien. On n’oubliera pas la faiblesse de son leadership qui a fait que non loin des centres villes les enfants ne connaissaient pas son nom, et l’absence de l’Etat s’est fait clairement remarquer par le banditisme et l’insécurité qui durent encore.

Les congolais ont vécu ainsi comme des orphelins sans parents. Ce n’est pas l’espace d’étaler toutes les misères dont nous sommes encore héritiers, l’espace qui nous est accordé étant limité. Toutefois, ce tableau sommaire ne laisse personne indifférent, et la conséquence est qu’en marge de tous les discours diplomatiques des politiciens et hommes d’Etat, je dois avouer que personne du bas peuple que nous sommes n’a jamais accepté Kabila à la tête de l’Etat congolais. Si vous n’avez pas de preuve, demandez-vous pourquoi Kabila lui-même et certains de ses députés se font voter souvent sous le label d’indépendants ou des partis tels que AAA, FGZKX, ACDR, etc.

Voilà, en fait, l’image de terreur dont certains congolais peinent à se débarrasser. Et là, la politique malsaine de Kabila avec ses officines occultes a payé : essouffler et paupériser à outrance un peuple pour se l’approprier de fond en comble.

2. Un fantôme vivant

Tout bien considéré, on se rendra compte de la réalité langagière qui retient Kabila en otage comme étant à la base de tout ce qu’il y a d’indésirable, c’est en fait cet esclavage qui a duré dix-huit ans ou même vingt-deux de le l’AFDL. On voit l’image de Kabila partout, non pas seulement pour en vouloir à l’ex candidat numéro 20, mais parce qu’il n’est pas possible que le Congo existe sans Kabila aux commandes. Voilà la kabilite, cette maladie mentale de la peur qui hante certains congolais de toutes les catégories et de tous les âges. On peut constater pour preuve le fait que non seulement le bas peuple en fait mention dans l’opinion mais d’abord les sommités de la politique congolaise elles-mêmes. Prenons madame Jeanine Mabunda comme matériel didactique. Dès le départ, elle dit ceci : « Je remercie le chef de l’Etat (entendez Kabila) pour m’avoir désignée candidate à la présidence de l’assemblée nationale ». On croirait peut-être à un lapsus linguae, mais on s’en défait vite quand on sait qu’au jour de l’élection du bureau de l’Assemblée nationale, madame la mignonne s’amènera avec un macaron portant l’effigie de Kabila. Allez-y comprendre ! On penserait au fanatisme ou à la mauvaise foi de la part de madame Mabunda mais moi j’y vois le syndrome d’envoûtement d’une personne vidée de sa quintessence. En effet, la philosophie définit la personne en rapport avec sa liberté d’agir et de se conformer aux valeurs. J’appelle son identité caractéristique l’ipséité, c.-à-d. sa personnalité sui generis. Mais ici, on assiste plutôt à une vente aux enchères de sa propre marque qui amènera même madame la présidente de l’Assemblée nationale à faire valoir une motion anticonstitutionnelle au point d’embraser le climat de la nation jusqu’à la perte des vies humaines. Tout simplement parce qu’on s’est laissé envoûter par un fantôme qui a réussi à coloniser les esprits.

Je me demande si Jeanine Mabunda est consciente de porter la charge du débâcle auquel on a assisté ces derniers jours entre Cach et Pprd. C’est bien elle qu’il conviendrait d’accuser en premier lieu pour avoir fait preuve d’ignorance des articles abécédaires de la constitution ; elle n’est pas incompétente comme diraient certains, mais c’est plutôt un fantôme de possession intellectuelle qui est à l’œuvre. Les étudiants de la première année de graduat en droit s’en plaignent et se demandent pourquoi ils ont opté pour cette faculté.

Si vous voulez donc comprendre pourquoi certains disent que c’est Kabila qui dirige, jusqu’à rêver débout à la tribune de l’hémicycle, pensez à ce syndrome d’envoûtement de la masse et à cette prise en otage des esprits qui se sont livré à la dictature qui les paralyse même au sein de leur plateforme politique. En quelque sorte, aujourd’hui, le problème n’est donc pas Kabila mais la kabilite, le problème n’est pas un individu mais la maladie chronique dont certaines personnes ne veulent pas se faire guérir. Se considérant comme une créature redevable à son créateur, pour reprendre le vocable malheureux d’un ancien ministre compagnon de complicité, un ex haut fonctionnaire vient de jurer par une lettre, sa fidélité et celle de toute sa famille à un homme comme dans le style biblique. C’est pourquoi, parmi eux, et c’est là que la démence atteint son apogée, certains nous font rêver même le retour de notre persécuteur à la présidence, chose impossible à concevoir dans la configuration actuelle des lois de la république.

3. Le feu de paille

Si vous ne le savez pas, je vous informe. L’accession de Felix Tshisekedi à la tête du pays reste encore un cauchemar et je parie que même dans les rangs de FCC, nombreux ne se sont pas encore laissés convaincre par l’évidence.

C’est le changement de paradigme qui est à la base d’agitations. La peur secoue ceux qui ne croient pas au promesses de réconciliation. Mais les esprits sereins n’ont pas droit à l’inquiétude face à ce brouhaha. On sait déjà avec Friedrich Hegel dont je n’épouse pas totalement le fond de la philosophie que, la marche de l’Esprit est dialectique et ascendante : de la thèse à l’antithèse puis à la synthèse, on tend vers la réalisation parfaite de l’être, vers l’incarnation de l’Esprit supérieur. Et avec Karl Marx dans ses propositions pour la libération de la classe exploitée, nous pourrions préciser que ce passage ne se réalise pas sans douleurs d’enfantement. Quant à la sagesse de nos ancêtres qui nous apprend à savoir progresser dans l’optimisme, elle invite le chasseur à ne pas se fatiguer de gravir la montagne parce que, dit-elle, c’est à son sommet que se trouve le gibier.

En effet, l’invitation est lancée au peuple pour mûrir son jugement et écrire avec maturité son histoire, notre histoire. Il faut faire avec les contradictions de ce syndrome ci haut évoqué pour libérer, par la réalité des faits, ceux qui n’arrivent pas à se désintoxiquer de leur opium. Ils sont encore sous les effets d’anesthésie, voilà pourquoi, à l’hémicycle comme en dehors de ce temple de la démocratie, ils n’arrêtent pas d’imaginer encore leur chef au pouvoir, une réalité qui appartient pourtant au passé, le régime ayant changé. Ils sont commandés par l’amertume d’un agrégat d’israélites qui désireraient rester à la mangeoire en Egypte malgré les peines d’humiliations et des traitements anodins, tel un régime des députés qui se feraient corrompre pour voter les lois avilissantes.

Quant à la petite masse encore engloutie dans les slogans des politiciens aigris et fabrications ratées des forces impérialistes qui pensent que Kabila dirige toujours le pays, cette masse doit se libérer de la torpeur à laquelle la livre ces leaders à l’agonie, afin de consolider le résultat de la lutte populaire qui devra encore faire sa marche. En fait, quelques leaders de fortune, pour des agendas cachés, ont intérêt à faire croire à l’opinion nationale et internationale qu’il y a crise postélectorale, alors qu’ils ont seulement envie de se tailler une part de popularité sous le soleil. D’ailleurs, quelqu’un que j’ai trop mal à appeler opposant n’avait-il pas dit qu’avec la crise qu’il allait créer on n’aurait pas d’investisseurs !!!

Pas plus longtemps que là, je le vois déjà mourir de sa propre mort, ses discours n’ayant plus ni refrain ni mots-clés.

L’alternance tant désirée étant là, peut-être pas à la perfection voulue, mais là où on la voulait d’abord, il nous revient de continuer donc à travailler dans l’unité pour la renforcer progressivement, sachant que la vie d’un pays est éternelle. Ce serait un leurre de croire que l’esprit des envoûtés devrait disparaître tout de suite après vingt-deux ans de la dictature de l’AFDL ; il faut faire avec et travailler à la libération de tous pour faire émerger la liberté de pensée qui est un patrimoine indispensable de chacun. Si vous voulez que je dise quelque chose en riant, rappelez-vous que le fou se croit aussi intelligent qu’un homme normal, mais si celui-ci ne le domestique pas au point de se faire passer pour son ami, il ne réussira pas à l’amener chez le psychiatre, et donc, il ne libérera ni le fou ni lui-même.

Kankonde Mamba S., Ph.D.

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