Vous êtes nombreux à refuser l’alliance Fcc-Cach et vous avez sûrement raison, mais nous sommes très peu nombreux à nous demander d’où vient ce bonheur indésirable.
Tentons une fois de dépasser le niveaud’émotions et des souhaits pour zoomer la réalité, loin des bruits du marché ; on ne résout pas les problèmes sérieux sous l’effet d’émotions et de colère. Il nous faut réfléchir et écrire pour que chacun prenne le temps de méditer et de digérer au dépens de son emploi du temps, parce que ceux à qui Dieu aura accordé encore la vie ne devront plus avoir droit à l’erreur dans cinq ans, si erreur il y a.
Allons-y.
1. Vous dites mariage contre nature ?L’alliance FCC-Cach est vue par beaucoup de congolais comme un mariage contre nature. Qu’est-ce que cela revient à dire ? Jusqu’il y a quelques mois, il était impensable d’imaginer une possible alliance de gouvernance entre le régime commandant d’hier et le parti politique le plus opposant de l’histoire de la République Démocratique du Congo. Les raisons de ce refus par le peuple sont faciles à deviner et c’est naturellement cet extrême antagonisme qui caractérisait les rapports entre les deux tendances dans la conception de la politique et du pouvoir.
C’est ainsi que hors de tout doute possible, le parti d’Etienne Tshisekedi s’est opposé non seulement au régime du Pprd, mais aussi avant, aux régimes de l’AFDL et du MPR. Pour parler des fils Tshisekedi et Kabila, les images sont encore là sur les nets où l’on voit Felix-Antoine Tshisekedi se bousculer avec les militaires et les policiers qui lui interdisent la participation aux marches de protestation et de revendication sur la voie publique, on voit Jean-Marc Kabund retenu par les services de sécurité de Kabila, cellulaires et passeport confisqués, Augustin Kabuya, avec œil gonflé de gazlacrymogène, etc.
Nous n’avons d’ailleurs pas besoin de le raconter parce qu’il ne s’agit encore que d’un passé d’aujourd’hui. Plusieurs se demandent alors pourquoi, et grâce à quelle magie, il est devenu possible que le président sortantet celui entrant deviennent aujourd’hui des « amis ». Comment les deux ours qui, jusqu’il n’y a pas longtemps ne se voyaient qu’à travers les images dans les médias, peuvent-ils organiser des rencontres ?
Ce n’est pas du tout un scandale ; au contraire, il y a toujours de la joie à voir deux ennemis se saluer un jour. Mais la question repose sur un autre mobile, à vrai dire, sur les attentes « déçues » : nous voulions l’alternance, entendons-nous dire, mais avec cette alliance, nous risquons la continuité ; la pilule est tropacerbe, nous ne voulons pas l’avaler. L’inacceptable pour le peuple congolais, c’est donc de ne pas pouvoir imaginer aujourd’hui comment le loup et la chèvre peuvent se rencontrer, et ce, autour d’un bouquet de feuilles de manioc. C’est le miracle auquel nous ne pouvons avoir la possibilité de croire que dans les contes de fée. Voilà pourquoi, on entend les propos malheureux du genre : Felix ateki mboka (Felix a vendu lepays).
En fait, comme nous l’avons signifié dans un autre article (la Kabilite ou virus anti-Fatshi), sous le chef des congolais épris du changement, il y a horreur d’entendre parler de Kabila ; c’est son nom et les noms de ses adulateurs qui orchestrent le désaveu de l’alliance en question au point de laisser l’opinion se berner par les émotions et ne pas pouvoir scruter la loi fondamentale du pays ni juger sa propre part d’imputation. Donc, si les congolais y comprennent mieux quelque chose, c’est eux-mêmes qui auraient décidé de cet amour-monstre.
2. «Ce qu’a décidé le peuple » L’opposant Felix Tshisekedi s’est exprimé sur les antennes de Télé 50, il y a presqu’une dizaine d’années, l’homme à la voix grave et bien audible, chiquement habillé dans son costume de couleur bleu, dit pratiquement ceci (à partir de deuxième minute et quinze secondes de la vidéo) : « ça (la coalition) c’est les congolais qui vont décider, si demain les congolais décident que nous ayons comme allié de la coalitionle Pprd, nous serons obligés d’oublier toutes les frustrations que nous avons connues et d’aller aux affaires avec le Pprd. Quoi que, et je rectifie quand même, il faudrait que l’Udps tienne vraiment à un Etat de droit, notre combat c’est l’instauration d’un Etat de droit. Et moi j’insiste que les dirigeants de demain ne soient pas ceux qui ont été mêlés à la me-gestion. Donc, quel que soit notre allié, si jamais le peuple le décide ainsi, eh ben, ils devront se débarrasser de tous les mauvais gestionnaires (…) ». [vidéo trouvable sur youtube avec titre : FELIX TSHISEKEDI INTERVIEW FAUTEUIL BLANC].
C’est le verbe décider que j’aimerais tenter de comprendre par cet écrit. Dans sa tournée de campagne, le duo FatshiVit comme vous l’appelez, a tenté d’expliquer à ses électeurs qu’il faut voter non seulement le candidat N°20, mais aussi un député Udps ou Unc pour nous obtenir la majorité au parlement. Un discours simple pour ceux qui l’ont fait mais difficile à comprendre pour ceux qui l’ont entendu.
C’est quoi la majorité au parlement, alors qu’il me suffit de voter mon président, n’est-ce pas lui qui gouverne et fait tout ? Mais pourquoi dois-je chercher à connaître le parti politique de l’oncle de mon grand ami, alors que c’est lui qui nous a acheté des motos pour faire le taxi ? J’aime bien l’Udps ou l’Unc mais parmi ses candidats députés je n’ai pas de parenté, alors pourquoi les voter pendant que je cherche aussiles députés dans ma famille ? Voilà comment l’électeur a lui-même créé le mariage contre-nature en faisant un vote contre-nature.
Disons-le plus facilement en ces termes : si je m’appelle Kankonde Mamba, je vote pour le candidat numéro 20 à la présidence parce que j’aime le changement, mais je vote un candidat AAA ou BBB à la députation nationaleet/ou provinciale parce qu’il est mon beau-frère, comment puis-je refuser qu’aujourd’hui mes deux candidats votés ne cohabitent, alors que les lois du pays obligent les deux à être ensemble pour gouverner enharmonie ?
L’électeur (Kankonde Mamba) qui refuse cette alliance, ressemble à un père qui demande à ses deux enfants de ne pas s’entendre. Ainsi, ce que décide le peuple égale ce à quoi il doit s’attendre.Vous comprenez que si je vote un président de droite et un député de gauche, je dois être conscient des conséquences que mon acte entraîne : la désharmonie liée au parallélisme des programmes d’action, la formation des alliances, les discussions interminables pour former le gouvernement, les injures, les marches de protestation, les possibilités de dissolution des parlements, la méfiance des uns envers les autres, formations des gouvernements éléphantesques pour mieux partager le gâteau, etc.
Tout bien entendu, le mariage d’aujourd’hui est indispensable pour la bonne marche du pays, il est le produit de notre culture politique insuffisante et comportement inattentif, mais en même temps, produit de la nécessité de l’application des lois de la république. Mais alors, et il faut le préciser, elle est indispensable jusqu’à ce qu’elle dure, c.-à-d. jusqu’à ce que les partenaires acceptent de regarder dans la même direction pour le salut du peuple. Si vous ne comprenez pas, relisez les propos de l’opposant Felix Tshisekedi ci-dessus évoqués ; les alliances se font et se défont, mais le plus important c’est aussi savoir comment leséviter à l’avenir si on n’en veut pas.
3. Et alors ? D’aucuns diront que nous ne savions pas, d’autres se limiteront à crier au scandale des tricheries, et nous rappelleront les machines à voter parallèles, les élus invalidés iront dormir devant le palais de justice pour dénoncer la corruption, au même moment, ailleurs, certains se frottent les côtes pourt rouver les postes dans les gouvernements et les cabinets, en ignorant que les postes sont par milliards à travers tous les échelons de responsabilité aux pays ; tous regardent les buildings de la Gombe sans penser qu’il y a une commune à Bumba et à Ilebo, etc. A la fin, ce sera toujours le même style en marche : la faim, l’exode rural et les plans de consommation par les sondes, puis, trahisons et plaintes.
Alors non ; il faut déjà ouvrir l’œil et savoir planifier ce que l’on fera d’ici à 2023. Le temps n’est pas donné pour se lamenter sur l’actuelle alliance, mais pour partir sur des stratégies qui puissent éviter la répétition de mêmes erreurs. Cinq ans pour l’éducation civique, pour implanter les partis politiques à travers toute la République, pour renflouer les caisses de vos partis, pour un marquage des électeurs à la culotte. Alors ? Vous avez cinq ans pour dépasser la République de Kinshasa avec sa capitale de la Gombe et restaurer la République Démocratique du Congo et redorer le blason terni du grand pays jusqu’en profondeur.
En effet, vous avez cinq ans pour nous éviter les Q.G. de consommation et faire émerger les Q.G. des stratégies pour la multiplication des militants et éventuellement des témoins dans les bureaux de vote. Demain c’est aujourd’hui ; alors, les prochains cinq ans feront preuve de notre maturité, et ils nous détruiront le mariage contre-nature.
J’ai plusieurs fois répété cinq, mais il semble que six mois sont déjà écoulés ! Dommage !Alors il faut doubler les efforts pour récupérer le retard. Cela ne dépend que des congolais eux-mêmes, c’est bien eux qui décident. Il ne leur est plus permis ni la fatigue ni le désespoir, ni encore moins la léthargie d’avoir gagné et de penser que c’est notre tour demanger.
Non. La pratique est celle du cultivateur : il moissonne d’un côté et laboure de l’autre, il arrose par-ci en sarclant par-là. La politique de consommation n’avancera jamais un pays : la paupérisation nous a tellement avilis de l’intérieur que nous sommes tous contraints au carpe diem, vivre au taux du jour est le concept le plus courant des congolais, nous savons facilement compter ce que nous gagnons aujourd’hui sans penser à ce que gagneront nos enfants dans vingt ans.
Alors, mon propos consiste à alerter que 2023 c’est pour demain, le rendez-vous est donné constitutionnellement (cfr. art.73 de la Constitution qui a été ignoré par le régime passé) pour le 24 octobre 2023, cela doit être connu ; mais certains attendent le 24 septembre 2023 pour commencer la campagne,d’ailleurs ils n’ont même jamais eu le temps de calculer ces dates, ni de penser aux enfants de 14 ans commeleurs électeurs potentiels. Pourtant, chaque génération a besoin des hommes et des femmes qui projettent leur regard plus loin pendant que les autres marchent en se regardant les pieds.
Et ces hommes de la trempe de Einstein ne courent jamais derrière les postes dans les gouvernements ni derrière les gloires pour ne pas se faire obnubiler l’intelligence. Car, c’est à eux qu’il revient de comprendre que le monde et l’existence, dans leur totalité, doivent être continuellement problématisés et pensés comme horizons des significations. Ainsi, ces hommes assument leur mission de permettre aux initiatives de pouvoir faire des navettes entre les situations concrètes dont elles sont issues et les niveaux supérieurs où se formulent les hypothèses de reconstruction.
Dans cette vision, la politique d’un parti politique, même s’il se dit grand et aux dimensions nationales, sa politique dis-je, est continue et non paradigmatique, c.-à-d. saisonnière. C’est la continuité dans la durée et dans les stratégies qui peut nous éviter les précipitations et l’amateurisme dans l’organisation afin de nous obtenir des résultats escomptés.
C’est donc déjà aujourd’hui que par exemple, les candidats députés de 2023 devront se préparer du point de vue intellectuel, idéologique et politique. Le saviez-vous ? La vérité des urnes c’est aujourd’hui qu’il faut commencer à la préparer, si vous voulez que vos grands diplômes en Management servent à quelque chose,
sans quoi vous ne serez pas différents de ceux que vous traitez de « distributeurs des pizza ».
Si vous voulez que je le dise sous forme d’images, j’ai observé ceci à Rome : pendant que nous utilisons la ligne X demétro, les ingénieurs travaillent à creuser la ligne Y, et les concepteurs se demandent comment et où sera insérée la ligne Z demain. Pendant ce temps-là, au moins pour ce que nous avons vécu jusqu’ici, les autorités au Congo attendent qu’un petit trou sur la route devienne un ravin pour qu’ils viennent se pavaner en bienfaiteurs impénitents derrière les caméras de télévision. Que celui qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Eglises ! (Ap. 3,6).
Sé/Kankonde Mamba S., Ph.D.