Tripatouillages des frontières : Kagame au Kivu, Museveni en Province Orientale

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Le président rwandais, Paul Kagame, avait déclaré en son temps que l’Afrique avait besoin d’une seconde Conférence de Berlin, en vue de la redéfinition des frontières héritées de la colonisation en 1885. Dans son entendement, plusieurs Etats du continent, dont la RDC, avaient piqué, au fil du temps, des territoires de leurs voisins, avec la complicité des puissances coloniales. Et, comme par hasard, notre pays vit sous la menace permanente des tripatouillages de ses frontières par ses voisins : cas de l’Angola au Bandundu (territoire de Kahemba) et au Bas-Congo (territoire de Mbanza-Ngungu), du Rwanda au Kivu (Nord-Kivu et Sud-Kivu), de l’Ouganda en Province Orientale (territoires de Mahagi),

Ainsi, à défaut d’un règlement diplomatique des contentieux frontaliers, le Rwanda d’abord et l’Ouganda ensuite semblent avoir opté pour la solution militaire. En effet, depuis leur participation à l’épopée victorieuse de l’AFDL (Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo) contre le régime du Maréchal Mobutu en 1996-1997, ces deux pays donnent l’impression de continuer à capitaliser des « droits territoriaux acquis » dans les provinces du Nord et de l’Est de la République Démocratique du Congo.

Kagame omniprésent au Kivu

Cela fait maintenant 17 ans que des centaines de militaires rwandais, présents dans les rangs des FARDC (Forces Armées de la République Démocratique du Congo) à travers des opérations de « brassage » et « mixage » inaugurées en 2003 au retour du Dialogue Intercongolais à Sun City et dans ceux des rébellions à répétition instrumentalisées par Kigali, contrôlent plusieurs localités et villages au Nord-Kivu comme au Sud-Kivu. Suite à la présence militaire rwandaise sur le sol congolais, le territoire de Rutshuru a cessé d’être congolais. Une nouvelle « Républiquette », avec comme capitale Bunagana, est née à l’intérieur des frontières congolaises, avec son armée, sa police et son administration.

Reconnus implicitement par les instances internationales (Nations Unies, Union Européenne, Union Africaine, Conférence Internationale pour la Région des Grands Lacs, Communauté de Développement de l’Afrique Australe), ses dirigeants sont en pourparlers avec ceux de Kinshasa à Kampala depuis décembre 2012, à travers leurs « experts » respectifs. La Monusco ainsi que la Brigade d’Intervention de l’ONU chargées de traquer les « forces négatives » dans la partie Est du pays, se gardent d’attaquer le mouvement rebelle pro-rwandais sur ses « bases » de Bunagana, Rutshuru, Kiwanja et autres Rumangabo. Les Congolais s’entendent dire, à ce sujet, que les forces onusiennes laisseraient les rebelles tranquilles tant que ceux-ci ne franchiraient pas les « frontières » des localités sous leur contrôle et ne menaceraient pas la ville de Goma. Autrement dit, c’est le statu quo militaire et territorial en attendant la conclusion d’un nouvel accord global entre le gouvernement congolais et la rébellion du M23.

En dépit de la succession des sommets et accords sur la situation sécuritaire de l’Est du Congo et d’une kyrielle de résolutions des Nations Unies interdisant tout soutien diplomatique, politique, militaire, financier ou logistique aux « forces négatives » dans la région des Grands Lacs, Kagame n’a pas bougé d’un iota de l’échiquier congolais.

Museveni sur les traces du maître de Kigali

La logique de la remise en question des frontières héritées de la colonisation développée à Kigali semble largement partagée par Kampala. Marchant allègrement sur les traces du maître de Kigali, le président ougandais Yoweri Museveni a visiblement mis les bouchées doubles pour créer de larges brèches territoriales en Province Orientale. Ancien parrain du Mouvement de Libération du Congo (MLC) et du Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Kisangani-Mouvement de Libération (RCD/K/ML), l’homme fort de l’Ouganda vient de redéployer ses militaires dans le territoire de Mahagi, après que ceux-ci s’y sont retirés à la fin du mois d’août 2013, au terme d’un « siège » de deux semaines.

Il y a un mois, Kampala avait fait état de l’existence d’un accord secret avec Kinshasa, qui aurait été signé en 2007 à Ngudurto, en Tanzanie, fondé sur la cession d’une partie du territoire congolais en compensation de son effort de guerre de 1996-1997. Revenus en force dans le territoire de Mahagi au début du mois en cours, des officiers et militaires de l’armée ougandaise soutiennent se trouver dans une opération de récupération des territoires ougandais qu’occuperaient illégalement des populations et des douaniers congolais.

Mais, à en croire des autochtones congolais, les autorités ougandaises sont occupées à faire bouger les bornes frontalières de plusieurs kilomètres. Il y en a qui ont été repoussées au-delà d’une dizaine de kilomètres, à l’intérieur du territoire congolais. Comme à Kahemba et ailleurs, l’Ouganda ne reconnaît plus le tracé de la frontière congolaise, telle que définie à la Conférence de Berlin, en 1885. On rappelle qu’au mois de mai de l’année en cours, des agents de la DGDA (Direction Générale des Douanes et Accises) avaient alerté les autorités compétentes sur le démantèlement, par les autorités ougandaises, de la barrière douanière d’Assina, au motif que celle-ci aurait été implantée en territoire ougandais. Par ailleurs, elles ont ordonné l’arrêt définitif des travaux de construction des bâtiments de la Police Spéciale des frontières, sous le même prétexte.

Distraction à Kampala et à Kinshasa

 Pendant que les autorités congolaises sont distraites par des pourparlers sans issue avec le M23 à Kampala et des Concertations au lendemain incertain à Kinshasa, Kagame et Museveni sont occupés à faire main basse sur de larges pans du territoire national au Kivu et en Province Orientale. Si elles continuent de rester sourdes aux cris d’alarme des autochtones des provinces du Nord et de l’Est, le pays va se réveiller, dans les semaines ou mois à venir, complètement amputé de plusieurs territoires. Il vaut mieux réagir maintenant pour arrêter l’hémorragie plutôt que d’attendre la naissance de nouveaux micros Etats autonomes sur le sol congolais pour aller pleurnicher à New York ou Addis-Abeba.

Kimp

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