Victoire de la RDC au Chan : “La police craignait que la célébration devienne un mouvement anti-pouvoir”

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L’équipe de football de République démocratique du Congo a remporté dimanche soir le Championnat d’Afrique de football 2016 en battant le Mali 3-0. À Kinshasa, la fête a été gâchée par quelques échauffourées, et un déploiement de police très important qui, selon nos Observateurs, visait notamment à prévenir tout rassemblement anti-Kabila.

Les “Léopards”, surnom de l’équipe de RDC, ont réjoui les supporters de football congolais grâce à un parcours sans faute dans le Championnat d’Afrique des Nations (Chan), tournoi réunissant les équipes nationales composées exclusivement de joueurs évoluant dans des clubs du continent africain. L’équipe de l’entraîneur Florent Ibenge s’est imposée 3-0 en finale contre le Mali dimanche soir à Kigali.

Dans plusieurs villes de RDC, des supporteurs ont célébré le succès de leur équipe dans les rues. Mais à Kinshasa, si la fête a bien eu lieu, elle a été beaucoup moins importante que lors des matchs précédents. En quart de finale par exemple, la victoire contre le Rwanda, le pays organisateur de la Chan, tout comme la victoire en demi-finale contre la Guinée Conakry, avaient provoqué des effusions de joie impressionnantes dans le centre ville de Kinshasa.

Selon nos Observateurs, ces rassemblements festifs ont été parfois l’occasion pour des petits groupes de personnes d’entonner des chants hostiles à Joseph Kabila. Dans la vidéo ci-dessous, la foule, réunie rond point Ngaba après la victoire de la RDC face à la Guinée jeudi 4 février, scandent “Kabila… Oyebala… Mandat esili” soit “Kabila…. Sache que… ton mandat est fini “en français.

Le président de la RDC, en poste depuis 2001, ne peut normalement pas se représenter pour un troisième mandat, mais il entretient le flou autour d’une candidature lors de la prochaine élection présidentielle. Le scrutin doit normalement avoir lieu en 2016 mais la date n’est toujours pas fixée.

Des scènes similaires de défiance à l’égard du président ont d’ailleurs eu lieu lundi, à l’arrivée de l’équipe de RDC à Kinshasa pour présenter son trophée, comme l’a affirmé une journaliste de RFI sur place.
“La police avait peur que la célébration de joie se transforme en rassemblement contre le pouvoir” Litsani Choukran

Il y avait un dispositif clair censé cloisonner les populations dans leurs communes respectives. Plusieurs barrages de police étaient mis en place pour empêcher l’accès au centre-ville. Par exemple, les habitants de Kitambo, dans le nord-ouest de la capitale, ne pouvaient pas vraiment sortir du quartier sans croiser la police.

Certains rassemblements ont tourné au vinaigre au niveau du quartier du 24 novembre où la foule a été bloquée par la police. La police a fini par lancer des gaz lacrymogènes sur la foule [les forces de l’ordre ont expliqué qu’il s’agissait de mettre fin à des tentatives de pillages selon RFI, NDLR]

D’un côté, cette mesure s’est avérée utile. Parfois, parmi la foule qui fêtait, il y avait des enfants de rue qui n’hésitaient pas à importuner les passants et tentaient de leur voler leurs affaires. D’un autre côté, cette présence policière a donné lieu à des débordements : j’ai moi même été arbitrairement arrêté par des policiers qui n’ont pas hésité à me mettre les mains dans les poches pour récupérer ce que j’avais.

L’action de la police avait avant tout pour but de limiter l’euphorie et de préserver l’ordre. Mais d’un autre côté, j’ai eu le sentiment qu’elle était aussi là pour éviter que ces manifestations de joie ne tournent en une manifestation contre le pouvoir.

Hier, durant le match, il y a eu un épisode qui ne trompe pas [voir vidéo ci-dessous] : à un moment, la caméra s’est arrêtée sur Moïse Katumbi, un opposant déclaré à Joseph Kabila, pressenti pour être l’outsider de la future présidentielle, qui était dans les tribunes. Dans le bar où j’étais, les gens l’ont acclamé, tout comme dans le stade. Des amis m’ont dit que la même scène avait eu lieu dans plusieurs bars. Actuellement, tout ce qui s’oppose à Kabila attire de la sympathie.

Beaucoup de supporteurs n’ont pas osé sortir de peur d’avoir des ’tracasseries’”Mechak K

Dans d’autres quartiers de la capitale, l’un de nos Observateurs, Mechak K. (pseudo) s’avoue déçu de la tournure des événements. Dès le milieu d’après midi, le commissaire général de la police nationale congolaise a fait une apparition à la télévision, pour expliquer que la police allait renforcer sa présence sur plusieurs artères, et il a invité les supporters à la retenue [le général Bisengema avait déjà appelé ses effectifs “au professionnalisme dans l’encadrement des manifestations”, NDLR ]. À la fin du match, beaucoup d’entre nous n’ont pas osé sortir, de peur de croiser des policiers et d’avoir quelques “tracasseries” : se faire arrêter ou dépouiller.

Le match pour moi s’est résumé à boire des bières entre amis, vivre intensément la partie, puis rentrer chez moi. Je suis très déçu, cette victoire aurait été une occasion géniale de communier, de se défouler. Au final, on gardera cette impression qu’on nous a gâché la fête.

Ce rassemblement n’a pas été la seule manifestation perturbée ces dernières semaines à Kinshasa. Mi-janvier, des fans de la chanteuse Marie Misamu, diva du gospel congolais décédée d’une crise cardiaque, s’étaient insurgés de la présence policière massive empêchant une grande partie de la foule d’assister à ses obsèques.
Depuis janvier 2015, mois durant lequel des manifestations contre un projet de loi électorale controversé avait fait au moins 42 morts selon la FIDH, les autorités de Kinshasa sont très vigilantes à tout rassemblement populaire, de peur qu’ils dégénèrent.

Un article de France 24

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