Vital Kamerhé : pourquoi j’ai quitté Joseph Kabila

La démission de Vital Kamerhé du PPRD et la création de son parti politique UNC ont été présentés aux congolais comme la conséquence d’avoir critiquer les opérations militaires conjointes des armées congolaises et rwandaises contre les milices dans l’Est de la RDC. Certes, Il ne fait aucun doute que ses critiques ont été un sujet d’un grand mécontentement au sein de la Majorité Présidentielle á laquelle il appartenait. Toutefois, quelques cadres supérieurs tant de l’opposition que de la Majorité Présidentielle, notamment le député national Francis Kalombo, contestent l’oppositon de Kamerhé au pouvoir de Kinshasa.

Certains attestent que la démission de Kamerhé de la présidence de l’assemblée nationale congolaise, son départ du PPRD et la naissance de l’UNC ont été ingénieusement orchéstré avec l’aide de la Kabilie.

En 2006, Kamerhé alors directeur de campagne de Joseph Kabila pour les élections présidentielles, publia un livre < Pourquoi j’ai choisi Kabila > dans lequel il fait l’apologie de Kabila. Trois années plus tard Kamerhé découvre qu’il s’était trompé et avait présenté au peuple congolais un mauvais choix.

C’est peut-etre á cause du dicton: les paroles s’envolent, les écrits restent, que Kamerhé a choisi de ne pas produire un nouveau livre dans lequel il dénonce les méfaits de Joseph Kabila – La prudence est de rigueur en politique, et surtout en RD Congo qui s’est révélée etre un pays á haut-risque pour y mener une vraie opposition politique.

Suite á l’absence d’un nouveau ouvrage écrit par Kamerhé nous avons récouru á une partie de son témoignage, aupres des envoyés spéciaux américains Howard Wolpe et Poulcouns, tel que révélé par le cable de Wikileaks, pour comprendre les raisons de sa séparation avec Joseph Kabila.

Pourquoi j’ai quitté Joseph Kabila

” Apres la mort de Laurent Désiré Kabila en 2001, Joseph Kabila m’a approché pour obtenir mes conseil. C’est ainsi que je lui confiait une liste de toutes les erreurs commises par son pere. Je lui dis que Laurent Kabila aurait pu etre un grand patriote s’il n’avait pas commis la meme erreur que Patrice Lumumba car, en diplomacie, il ne faut toujours dire ce que l’on pense et il faut toujours réserver une place au compromis.

Joseph Kabila me démanda de rédiger son discour d’inauguration présidentielle, dans lequel il promettait d’instaurer la démocratie á travers les élections et promouvoir la bonne gouvernance. Il s’engageait également á ouvrir des négociations sur tous les cotés avec Masiré, le Rwanda et l’Ouganda.

Ensuite, Joseph Kabila se lanca dans une tour international suite á mon conseil qu’il était nécessaire de rétablir les rélations entre la RD Congo et les grandes puissances. Apres un accord était conclu avec Kagame et plus tard avec Museveni. Ceci conduit au dialogue inter-congolais qui débutta en Décembre 2002, et entraina la Banque Mondiale et la FMI á réintégrer leurs programmes en RD Congo.

Les problemes ont commencés apres la victoire de Joseph Kabila aux élections présidentielles de 2006 car avant ces élections Kabila avait présenté et suivi une vision claire, et avait réalisé les objectifs fixés. Mais apres les élections, deux camps se formerent qui commencerent á tirer Kabila dans des directions differentes. Le camp auquel j’appartenais faisait pression pour poursuivre le processus démocratisation. L’autre camp soutenait qu’ils pouvaient imposer leur propre vision parce qu’ils avaient gagné les élections.

Je conseilla Joseph Kabila d’envoyer Jean Pierre Bemba en exil plutot qu’en prison apres la défaite de ce dernier aux élections présidentielles. J’insista également pour que les forces de sécurité ne furent pas déployées pour régler les problemes avec le mouvement religieux de Bundu Dia Kongo. Mais d’autres personnes au sein du gouvernement considéraient ce mouvement comme un groupe séparatiste qu’il fallait réprimer.

En ce qui concerne le dialogue avec le Rwanda, l’Ouganda et le CNDP, un plan fut élaboré pour dialoguer avec le Rwanda et l’Ouganda, et engager des négociations avec Nkunda – La premiere étape devait etre le rapatriement volontaire des ex-FAR/Interamwe. La deuxieme consistait á la création d’une force neutre qui se chargerait des groupes récalcitrants. Ce fut évident que l’exploitation des minerais était entrain d’alimenter le conflict. Il eut ensuite des discussions entre la RD Congo et le Rwanda á Nairobi suivies par la conférance de Goma au mois de Janvier 2008. Il eut, en plus, le début des rencontres tres fréquentes entre les ministres des affaires étrangeres de la RD Congo et du Rwanda.

Compte tenu de ce progres, je fus alors surpris d’apprendre au mois de Janvier 2009 que de jointes opérations entre la RD Congo et le Rwanda eurent été lancé contre les FDLR. C’était une situation délicate, á mon avis, parce que les FDLR s’étaient dispersés au sein de la population, et avec l’absence d’une stratégie pour protéger la population civile la violence ne ferait qu’augmenter. Je manifesta alors publiquement ma désapprobation. C’est ainsi que Joseph Kabila se facha contre moi, me démandant de démissionner de mon poste de président de l’assemblée nationale. Je rejetai donc sa démande initiale pour une démission immédiate en lui faisant savoir que je ne le ferai que devant l’assemblée nationale.

Je pense que la raison pour laquelle Joseph Kabila démanda ma démission est que certains de ses proches conseillers lui dirent de prendre au sérieux mon engagement á briguer la magistrature supreme. Un autre facteur pourrait etre les controverses sur les contrats chinois. Certains ont cru que j’exposai les fragilités de cet accord pour mon avantage personnel alors que j’essayais simplement de tirer le meilleur profit pour le pays. J’estime que toutes ces fausses accusations contre moi furent l’oeuvre de Katumba Mwanke, qui recevait dans le temps des speciales commissions. Je pensai donc qu’un tel accord favorisant plus la Chine n’était pas juste pour les autres bailleurs de fond, et qu’il convint d’établir un équilibre afin que d’autres pays pussent aussi participer.

Je pense que Joseph Kabila éprouvait des difficultés á prendre des décisions. En plus, il y avait un manque des collaborateurs sérieux autour de lui. Immédiatement apres les élections, Katumba Mwanke commenca un processus de remplacement de tous les conseillers qui exercaient une certaine influence sur Joseph Kabila. Il chercha á prendre le controle de toutes les affaires autour du président, les contrats miniers en particulier. J’avais exhorté Kabila á ne pas s’impliquer personnellement dans beaucoup de contrats miniers, essayant de le faire comprendre que richesse devrait se mesurer non pas en terme d’argent accumulé mais en terme de son succes dans l’éradication de la pauvreté ainsi que développement de la RD Congo.

Mais Kabila et Katumba se concentrerent á accumuler des richesses pour gagner les prochaines élections.

En dehors de Katumba Mwanke, Olive Lembe, Maman Sifa, Janet et Zoe Kabila sont des conseillers informels, tres influents du président.

Joseph Kabila est une personne timide dont le seul interet est l’accumulation silencieuse des richesses”.

(Avec CongoCom Afrika)